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Des pranks qui tournent mal

Chroniqueur Alex Roof
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« Toé Roof, c’est clair que t’as déjà mangé un poing sua’ gueule! », me dit-on parfois en faisant référence à tous les gens que j’ai piégés avec mes pranks. Après plusieurs années à tourner des pranks filmés avec caméras cachées (pourquoipas.ca pour les curieux/curieuses), il m’est arrivé que le piège en question tourne mal. 

Parfois, ce n’est pas le prank qui tournait mal, mais le moment de diffusion qui était simplement mal choisi. Ce qu’il faut savoir, c’est lorsqu’une vidéo a été très populaire, il nous arrivait à moi et le dude de ConneriesQc qui coproduit la série, de republier la vidéo un an ou deux plus tard. Nous programmons parfois plusieurs publications quelques mois à l’avance à des dates aléatoires. Un soir, nous sommes au Métropolis en train d’écouter un groupe de musique que les mères appellent « de la musique de drogués » même s’ils sont straight edge. Mon ami sort son cellulaire pour regarder ses messages ou pour tout simplement scroll down par habitude. Le scroll down a remplacé le tournage de pouces, la lecture de magazine sur la bol de toilette et le fouillage dans le nez en voiture aux lumières rouges. 

Il me dit : « man, je sais pas c’qui s’passe, on a des centaines de messages de haine à cause d’un vidéo! » 

À l’époque, c’était peu fréquent de se faire ramasser sur les réseaux sociaux par des milliers de personnes. Maintenant, c’est facile : t’as simplement à donner ton opinion sur la vaccination.

Lui et moi, on se demande ce qui se passe alors on vérifie aussitôt sur notre page Facebook. Nous venions de republier une ancienne vidéo tournée en France qui avait été un succès où nous riions de bon coeur des parisiens. La vidéo était programmée depuis des mois pour sortir ce soir-là avec comme titre : « Aujourd’hui, on va rire des parisiens! » 

Le bémol, c’est que la vidéo a été programmée et publiée le 13 novembre 2015… moins d’une demi-heure après les attentats au Bataclan de Paris. Exactement 90 personnes innocentes venaient d’être tuées dans une fusillade. Pendant que les gens changeaient leur photo de profil Facebook avec les couleurs du drapeau de la France en support à cette terrible tragédie, il y a moi qui publie : « on s’en va rire des parisiens! » 

Nous avons évidemment retiré la publication et fait nos excuses en lien avec cette mauvaise coïncidence hors de notre contrôle. Il ne pouvait pas y avoir de pire timing!

Sinon, j’ai tourné différents pranks chez des concessionnaires de voitures que vous avez peut-être déjà vus. Ils commencent tous de cette façon : j’entre chez le concessionnaire habillé chic avec un long manteau noir et une mallette en cuir laissant prétendre qu’elle est remplie d’argent puis je dis au premier vendeur que j’aperçois en pointant une voiture : « je t’achète ce char-là, cash! » 

Pensant faire la vente du siècle, les vendeurs n’hésitent pas à m’inviter dans leur bureau pour procéder à la vente. Lorsque je dépose celle-ci sur leur bureau et que je l’ouvre, c’est là que l’aspect comique du prank entre en jeu. J’ai déjà sorti deux tortues vivantes de la mallette que j’ai déposées sur le bureau du vendeur pour lui dire : « Ça va être le char, contre les 2 tortues ». 

« Ça va être le char, contre les 2 tortues »

Sans mot, il m’a fixé dans les yeux et m’a répondu d’un ton extrêmement professionnel tout en étant dans l’incompréhension totale : « monsieur, sous tout mon respect, nous ne prenons pas d’animaux en échange d’une voiture ». Vous savez sans doute chers lecteurs et chères lectrices que le cerveau humain n’est pas prêt un lundi matin à se faire offrir deux tortues contre une BMW à 80 000$. Même Elon Musk aurait fait un brain freeze! Chez un autre concessionnaire de luxe, j’ai ouvert la mallette alors qu’elle était remplie de blocs Lego. J’ai commencé à faire un bateau en Lego sur le bureau du vendeur qui était en train de m’expliquer les modalités de paiements et la garantie prolongée. 

Il y a évidemment la fois où je suis allé trop loin. Dans le bureau face à face au vendeur, j’ai sorti une drill et une poupée. Sans pré-avis, j’ai commencé à driller la poupée dans tête. Pour ajouter un côté creepy à cet acte déjà digne d’un échappé de l’asile, la poupée faisait le son d’un rire un peu démoniaque lorsque j’appuyais sur son ventre. Ce matin-là, le vendeur avant devant lui un gars habillé chic à l’apparence normale et un langage bien articulé en train de driller une poupée dans la tête tout en demandant des questions sérieuses en lien avec la voiture : « Est-ce qu’il est possible d’avoir la navigation ainsi que les sièges chauffants? »

L’arnaqueur à comission s’est levé de sa chaise pour quitter le bureau en me disant d’un ton très sec qu’il me revenait dans quelques minutes. Il n’est jamais revenu. Des policiers sont arrivés. Pas un, pas deux, mais quatre véhicules de polices étaient sur les lieux puisqu’ils avaient reçu l’appel d’un vendeur disant qu’un gars était armé d’une drill. J’ai oublié de vous mentionner que lorsque le vendeur m’a demandé ce que je faisais avec ma drill et ma poupée, j’ai répondu d’un ton très stoïque : « c’est la fête de ma nièce, faque j’la drill dans tête! » 

« c’est la fête de ma nièce, faque j’la drill dans tête! »

Vous comprenez maintenant pourquoi ce prank ne prenait pas la tournure voulue. Les policiers m’ont fait sortir de l’établissement pour m’interroger à l’extérieur. Plus ou moins informés de la situation, ils m’accusaient de vouloir driller ma nièce dans la tête. Je leur ai expliqué que je n’avais pas de nièce et que je drillais une poupée achetée au Village des Valeurs. Ça changeait les données puisque ça enlevait l’aspect « menace de mort », mais ça n’expliquait pas pourquoi j’étais en train de défoncer le crâne d’une pauvre poupée en achetant une Lexus de l’année. 

J’ai donc expliqué à la demi-douzaine de policiers que tout ce cirque était une blague et que c’était filmé avec caméras cachées. Normalement suite à une blague, il y a des rires. Cette fois-ci, pas du tout. Ne connaissant pas mon humour, je sentais le jugement dans leurs questions telles que : « vous trouvez ça drôle de driller une poupée dans un concessionnaire? », « t’as pas une job ou quelque chose d’autre à faire? », et « êtes-vous suivi par un psychologue ou un psychiatre…? » 

Le prank qui a eu la pire tournure de toute ma carrière fut le premier qui a été tourné dans le cadre de ma série Pourquoi Pas? en 2014. Le concept était super simple : le but était de laisser croire aux gens que je volais une voiture alors qu’en réalité c’était ma propre voiture. Une journée ensoleillée d’été j’étais habillé en noir de la tête aux pieds avec une cagoule sur la tête et j’entrais dans ma voiture pour ensuite quitter sur un burn avec le système d’alarme qui crie plus fort que le chanteur de Cradle of Filth dans un micro. 

Nous avons fait ce gag à une dizaine d’endroits différents bondés de gens en seulement quelques heures, notamment près des terrasses montréalaises qui débordaient de personnes qui pensaient assister à un vol de voiture sous leurs yeux. Après plusieurs appels au 911 de témoins de ces différentes scènes de vol de voiture, les policiers nous ont trouvés. J’étais avec mes 2 caméramans debout sur le trottoir en train de discuter du prochain endroit à filmer le gag alors qu’une voiture de police avec les lumières et les sirènes est apparue et a freiné à un demi-mètre de nous les pneus criants haut et fort comme le chanteur de Cradle of Filth dans un micro. Ceci n’est pas une erreur du SUMMUM, j’ai fait exactement la même comparaison à deux reprises par pure lâcheté. 

Ceci n’est pas une erreur du SUMMUM, j’ai fait exactement la même comparaison à deux reprises par pure lâcheté.

Deux policiers sont sortis avec leur fusil en main. L’un pointait le sol et l’autre pointait directement sur moi. J’ai figé. J’ai vu ma vie se dérouler devant moi. Je me suis rendu compte que les choses ne tournaient vraiment pas comme prévu. N’ayant pas le temps d’expliquer que le tout était un tournage pour un gag, j’ai été plaqué contre la voiture tout en ayant droit aux menottes dans le dos et au fameux : « vous avez droit de garder le silence. » 

Mes deux amis caméramans ont gouté à la même recette. D’autres voitures de police sont arrivées sur les lieux et nous avons eu droit à un lift gratis au poste de police à assis à l’arrière de chacune des voitures. Je me sentais comme si j’allais à mon bal de finissants mais que l’après-bal s’annonçait pas mal moins l’fun que prévu. En arrivant au poste de police, ils ont confisqué ma montre, mon portefeuille, ma caméra, mon cellulaire, ma ceinture et mes lacets de souliers pour m’envoyer dans une cellule identique à une prison. J’étais seul derrière les barreaux et mon lit c’était le plancher de ciment. J’avais une toilette et un petit lavabo en métal pas mal moins chic que tout ce que vous avez déjà connu en terme de lavabos. Je peux avoir l’air du rockeur qui n’a peur de rien, mais j’avais la chienne de ma vie. J’ai passé la nuit dans cette petite cellule pour finalement avoir mon congé à 6 heures le lendemain matin. Les policiers ont visionné les vidéos et compris que je n’étais pas un voleur de voitures. Ils m’ont remis mon portefeuille, mon cellulaire, ma ceinture, mes lacets de souliers et ma caméra dans un gros sac transparent à l’effigie du poste de police. 

Sorti de là, je devais appeler un taxi puisque ma voiture était encore stationnée sur le lieu du crime. Entré dans le taxi, j’ai vu que le conducteur avait peur de moi. J’ignorais pourquoi. Ensuite, j’ai réalisé qu’il était 6 heures du matin et qu’il venait de m’embarquer au poste de police, que j’étais cerné de ne pas avoir dormi de la nuit et que j’avais un sac avec le logo du poste de police avec mes effets personnels à l’intérieur. Simple prankeur ou la relève de Ted Bundy, ce pauvre monsieur ignorait qui j’étais. Il m’a déposé à ma voiture volée par moi-même et je suis rentré chez-moi en me disant : « je ne tourne plus jamais de pranks! » 

« je ne tourne plus jamais de pranks! »

La semaine suivante, j’en tournais un autre. Le plaisir de tourner des pranks est incroyable. Je garde mon sérieux et les gens me prennent pour le pire des imbéciles soit par pitié, incompréhension, jugement, ou un beau mixte de tout ça. Je ne changerais de métier pour rien au monde, même si j’ai déjà eu un fusil pointé directement sur ma poitrine à cause d’un gag qui a mal tourné. Si le policier avait fait feu, le tout aurait été tragique et je n’aurais pas la chance de vous raconter cette histoire dans ce magazine. Mais il y aurait eu quelque chose de quand même cool et très rockstar, car si on fait le calcul, lors de ce prank tournée en 2014 j’avais 27 ans. J’aurais été dans le « Club des 27 » en allant rejoindre Jimi Hendrix, Jim Morrison et Kurt Cobain. 

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