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Regards sur l’industrie des animaux exotiques aux États-Unis

Chroniqueur Marc Lajambe
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Il va sans dire que la très populaire série Tiger King nous a offert un divertissement sans pareil, mais cette dernière a également eu comme effet de mettre davantage de gaz sur le feu chez les défenseurs de droits des animaux dans le débat de société concernant l’industrie des animaux exotiques aux États-Unis. Doit-on sauver les animaux exotiques des cirques et des zoos? Est-ce une bonne idée de garder des animaux exotiques à la maison qui pourraient potentiellement être dangereux pour nous ainsi que pour autrui? Plein feu sur le phénomène des animaux exotiques chez nos voisins du Sud, et au Canada par ricochet.

En effet, la série documentaire Tiger King présentée sur Netflix a attiré un nombre incroyablement élevé de téléspectateurs, soit quelque 64 millions de foyers dans le monde, pour faire la lumière sur les excentricités du personnage principal de la série, Joseph Maldonado-Passage (mieux connu sous le nom de Joe Exotic). Mais derrière les scènes touchantes avec les bébés tigres et autres créatures adorables se cachaient de nombreux exemples de maltraitance animale au célèbre zoo en bordure de la sortie 64, à Oklahoma.
« Actuellement, près de neuf millions de foyers américains possèdent un animal de compagnie exotique, alors qu’environ 17,6 millions de ces types d’animaux sont présents à travers les États-Unis. Parmi les propriétaires d’animaux exotiques, les types les plus populaires sont les reptiles (51 %) et les oiseaux (26 %). Enfin, parmi tous les types d’animaux de compagnie (exotiques et non exotiques), les chiens et les chats sont les plus populaires chez les propriétaires d’animaux toutes catégories confondues », explique Nicole Barrantes, coordinatrice de campagne pour la protection mondiale des animaux.

LE CÉLÈBRE CIRQUE RINGLING TIRE SA RÉVÉRENCE

Dans la foulée des revendications en lien avec la protection des animaux exotiques aux États-Unis, il existe présentement sur le territoire américain un très fort lobbysme afin de remettre en liberté les animaux de cirque. Ainsi, avec l’affaiblissement de la fréquentation, l’opposition virulente d’organisations qui contestent l’utilisation d’animaux à des fins de divertissement, de nombreuses manifestations pour les droits des animaux et des coûts d’exploitation élevés, le célèbre cirque, mieux connu sous l’appellation The Greatest Show on Earth, a fermé ses portes après 146 ans d’existence. Et d’autres cirques itinérants pourraient bientôt connaître le même sort… Mais pourquoi donc les animaux de cirques doivent-ils être sauvés? Les experts en la matière affirment que les animaux sauvages, même nés en captivité, conservent l’intégralité de leurs instincts naturels, et qu’être constamment sur la route, confinés à des espaces restreints et forcés de se produire devant des foules entières, est source d’épuisement et d’angoisse pour les animaux.

RESPECT DES PROTOCOLES ET ACCRÉDITATIONS EN PLACE

Aux États-Unis (AZA) comme au Canda (AZAC), différentes associations ont vu le jour afin de faire respecter de bonnes conditions de vie pour les animaux qui y vivent. Même si des entreprises comme celles de Joe Exotic ne respectent pas à la lettres les règles imposées selon leurs standards, il ne faudrait pas non plus généraliser et mettre toutes les entreprises qui ne sont pas accréditées dans le même panier.

Moins de 10 % des 2800 exposants d’animaux sauvages agréés par le Département de l’agriculture des États-Unis en vertu de la loi sur le bien-être des animaux satisfont aux normes plus complètes d’accréditation AZA

Ainsi, l’Association des zoos et aquariums (AZA) est une organisation d’accréditation indépendante des meilleurs zoos et des meilleurs aquariums d’Amérique et du monde à but non lucratif dédiée à l’avancement des zoos et aquariums dans les domaines de la conservation, de l’éducation, de la science et des loisirs. AZA représente plus de 230 établissements aux États-Unis et à l’étranger, qui attirent collectivement plus de 200 millions de visiteurs chaque année. Moins de 10 % des 2800 exposants d’animaux sauvages agréés par le Département de l’agriculture des États-Unis en vertu de la loi sur le bien-être des animaux satisfont aux normes plus complètes d’accréditation AZA.

Côté statistiques, notons qu’au Québec, à peine 7 établissements sur 40 respectent les normes de l’organisme AZAC; le Zoo de Granby en fait partie, de même que le Biodôme, le Parc Safari ainsi que l’Aquarium du Québec. Du côté de l’AZA, six établissements canadiens sont accrédités par eux, dont le Zoo de Granby, qui figure comme seul membre au Québec.

« Il est certain que nous ne sommes pas à l’abri des menaces qui pourraient planner sur le milieu zoologique quant à l’interdiction d’avoir des animaux sauvages et exotiques dans nos installations, mais ce qui nous différencie des sanctuaires et autres « road side zoos » à la Tiger King est justement le fait que nous possédons de haut standards en bien-être animal en plus d’être accrédité par diverses associations, accréditations nécessaires et exigées pour bien prendre soins des animaux que nous avons sous notre responsabilité, explique Karl Fournier, directeur des soins animaliers au Zoo de Granby. Au-delà des accréditations, le Zoo de Granby contribue activement pour la préservation de diverses espèces ainsi qu’à la préservation de la nature du monde animal dans le monde par l’entremise de divers programmes de conservation, comme Ex Situ et In Situ (rétablissement des chauves-souris ainsi que de la tortue molle à épine de l’Est au Québec, conservation des éléphants et des gorilles au parc national de Campo Ma’an au Cameroun, conservation et mise en valeur de la biodiversité des parcs-nature de Granby, pour nommer ceux-ci », renchérit-il.

MAIS POURQUOI LES ANIMAUX EXOTIQUES N’ONT-ILS DONC PAS LEUR PLACE DANS NOS CHAUMIÈRES?

Il est important de savoir, tout d’abord, que le commerce des animaux exotiques est une industrie de plusieurs milliards de dollars. Partout aux États-Unis, des millions d’animaux exotiques, y compris des lions, des tigres, des couguars, des loups, des ours, des singes, des alligators, des oiseaux et des serpents venimeux sont élevés, achetés et vendus pour la possession privée. Ils sont gardés captifs dans des maisons privées à titre d’animaux de compagnie, dans des zoos en bordure de route ou encore dans des sanctuaires. Certains animaux sont volés dans leur habitat naturel; certains sont des surplus de zoos, alors que certains sont vendus aux enchères ou dans les animaleries ou proviennent d’éleveurs privés.

Qui ne se souvient pas de la vidéo surréelle qui avait fait le tour du Web et qui montrait un alligator traversant tranquillement et nonchalamment la rue Jarry, à Montréal, en décembre 2019? La portière du camion de la compagnie qui fait des présentations de reptiles à l’intérieur duquel se trouvait l’alligator aurait fait défaut, ce qui aurait permis à l’animal de faire une brève escapade urbaine.

Même si cela n’est pas un cas de possession à domicile d’un animal exotique, il y a tout de même de quoi à réfléchir ici, n’est-ce pas ? Ainsi, la Société protectrice des animaux (SPA) de l’Estrie considère que les animaux sauvages et exotiques ne sont pas adaptés à la vie d’animal de compagnie et constituent, très souvent, un risque pour la santé et la sécurité des humains. Cette dernière s’oppose donc au commerce de ces types d’animaux de même qu’à l’acquisition de ces derniers par des particuliers dans le but d’en faire des animaux de compagnie. À cet effet, voici donc les trois grands principes de bases qui sous-tendent à ce positionnement.

SOINS ET CONDITIONS DE VIE INADÉQUATS

Tout d’abord, notons que les animaux exotiques sont rarement hébergés dans des conditions adaptées et à leurs véritables besoins. La plupart des gens ne peuvent pas fournir les soins, l’hébergement, le régime alimentaire ainsi que l’entretien spécial dont les animaux exotiques ont besoin. Lorsqu’ils sont bébé et mignons, il s’avère plus facile de leur donner des soins, mais une fois la maturité atteinte, de nombreux animaux qui sont devenus trop difficiles à entretenir pour leurs propriétaires ou qui ont dépassé leur utilité comme animaux de compagnie ou comme créateurs de profits finissent par languir dans de petits enclos dans les arrière-cours, condamnés à vivre dans des conditions déplorables ou sont abandonnés ou encore tués.

DANGER POUR LA SANTÉ ET LA SÉCURITÉ DES HUMAINS

Deuzio, le commerce des animaux exotiques présente de graves dangers pour les animaux, ainsi que pour la santé et la sécurité des humains qui tentent d’en prendre soin. De par leur nature même, les animaux exotiques sont imprévisibles et sont ainsi incapables d’être domestiqués et ne peuvent donc pas être élevés comme animaux de compagnie, au sens propre du terme. Ainsi, chaque année, des personnes sont attaquées et blessées par des animaux exotiques dans les zoos en bordure de route; certaines de ces attaques sont mortelles et les enfants en ont trop souvent été les victimes.

Saviez-vous que les amphibiens et les reptiles représentent, quant à eux, un danger en raison de la présence d’une bactérie qui vie dans leur intestin, à savoir la salmonelle? Selon l’Association of Reptilian and Amphibian Veterinarians, la très grande majorité des reptiles (tortues, lézards, serpents et crocodiles), qu’ils soient nés dans la nature ou en captivité, portent cette bactérie. Et malgré le fait de la présence de la salmonelle dans l’intestin de tout reptile en santé est normale, elle peut cependant provoquer de graves maladies chez les humains. Pensons aussi à l’herpès B ou encore à la rage, qui peuvent être transmises des animaux sauvages aux humains.

 

De plus, prendre un animal trop jeune à sa mère prive l’animal du changement nécessaire pour acquérir des compétences de survie cruciales. Et, lorsque ces animaux grandissent, ils sont souvent jetés par leurs propriétaires – abandonnés ou euthanasiés – ou forcés de vivre dans des conditions déplorables.

CAPTURE ET TRANSPORT INHUMAINS

Enfin, dans le but de s’approprier des animaux exotiques, plusieurs d’entre eux meurent à la suite de méthodes de capture inhumaines (pensons par exemple à l’utilisation de crochets pour tirer les reptiles hors de leur terrier ou de fumée pour les forcer à sortir) ou en raison de conditions de transport inadéquates. Selon la Humane Society of the United States, plus de 80 % des oiseaux capturés à l’état sauvage meurent durant la capture ou encore le transport, et quelque 90 % des reptiles capturés meurent au cours de leur première année de vie en captivité des suites des traumatismes subis lors de la capture et du transport, ou en raison de carences liées à leur habitat ainsi qu’à leur régime alimentaire.

« Quant au dossier des animaux exotiques que les personnes possèdent à la maison, depuis la législation de 1994, certaines espèces, telles qu’un grand félin, ne peuvent plus être gardées par monsieur et madame Tout-le-monde sans un permis. Malheureusement, ce ne sont pas toutes les espèces exotiques qui sont restreintes. Chaque année, de nombreux spécimens vont nous être offerts par des particuliers. Quand ces animaux sont petits, ils sont mignons et attachants, mais lorsque qu’on doit leur consacrer une pièce complète une fois à la taille adulte, comme pour un python, c’est là que ça va se corser. Quand les gens réalisent les soins, l’espace, les coûts et le temps que ces espèces demandent d’autant plus si leur situation change, ils vont vouloir s’en départir », poursuit Karl Fournier. 

Pour l’amour des animaux, renoncez donc à adopter des animaux sauvages afin d’en faire des animaux de compagnie. Lorsque vous le faites, vous servez vos propres intérêts aux dépens de ceux des animaux. Et puis, la liste des animaux qui peuvent servir à titre d’animal n’est-elle pas assez longue et intéressante afin que tout le monde puisse y trouver son compte?

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