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LES ALIMENTS DU FUTUR

Chroniqueur Jean-François Cyr
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Surpopulation, réchauffement climatique, pollution, diminution des ressources, manque d’espace, étiolement des traditions culinaires, modifications des habitudes de vie… Bien des raisons influent sur les changements d’un régime alimentaire. Les humains, du moins ceux en Occident, semblent être à un carrefour à propos de la nourriture. De plus en plus, on entend parler d’algues, de farines d’insectes ou encore de protéines végétales. À l’occasion, des spécialistes de l’agronomie nous parlent du délicat sujet de la production de viande in vitro en laboratoire. De toute évidence, certains aliments sont en voie d’être produits et proposés aux consommateurs d’une manière bien différente au cours des prochaines décennies.

 

Quels seront d’ailleurs ces aliments du futur? Dans un avenir plus proche, quels seront les aliments qui constitueront nos repas? SUMMUM a plongé dans le monde fascinant de l’alimentation de demain.

Un statu quo peu envisageable

La population mondiale devrait atteindre 8,5 milliards d’individus en 2030, puis passer à 9,7 milliards d’individus en 2050 et à 11,2 milliards vers 2100, selon les prévisions et les statistiques démographiques de l’Organisation des Nations unies (ONU).

Nous sommes actuellement 7,7 milliards (données de 2019) d’êtres humains sur Terre. En 25 ans seulement, 2 milliards de personnes s’ajouteront donc à la population. C’est énorme. Comment nourrir adéquatement tous ces gens sans épuiser complètement les ressources? De toute évidence, le statu quo est impossible. L’Homme doit progressivement trouver d’autres sources pour s’alimenter. De nouveaux choix seront aussi nécessaires afin de réduire les impacts accablants de l’activité humaine, comme l’élevage de bétail. L’industrie agroalimentaire doit-elle imposer un régime à ses clients? Les gouvernements doivent-ils progressivement imposer de nouvelles règles? Est-ce plutôt le consommateur qui déterminera le futur de l’alimentation?

Nous sommes actuellement 7,7 milliards (données de 2019) d’êtres humains sur Terre. En 25 ans seulement, 2 milliards de personnes s’ajouteront

L’élevage intensif du bétail

L’industrie de l’élevage est l’un des plus importants producteurs de gaz à effet de serre (GES) et l’une des causes essentielles de la perte de la biodiversité, tandis que, dans les pays développés et émergents, il constitue la principale cause de pollution des ressources en eau. Cette constatation a été faite par de nombreux scientifiques au fil des ans. Déjà en 2006, l’ONU publiait un rapport intitulé Livestock’s Long Shadow dans lequel elle concluait que l’élevage d’animaux pour la consommation humaine est responsable de près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre, devant tous les modes de transports réunis. D’autres organismes internationaux sont arrivés à de pires constats dans les années ultérieures. Le Worldwatch Institute, entre autres choses, a conclu (en 2012) que cet élevage était responsable de 51 % des GES.

Mentionnons qu’un tiers des terres arables de la planète est utilisé pour le fourrage destiné au bétail.

En 2020, environ 15 500 litres d’eau sont nécessaires pour produire un kilogramme de bœuf. Par ailleurs, l’animal nécessite une moyenne de 60 mètres carrés d’espace. C’est énorme. À titre comparatif, 2750 litres sont nécessaires pour produire un kilogramme de soja. En plus, ce kilo de soja prend 250 fois moins de place pour être cultivé que l’élevage d’un bœuf. D’autres animaux grandement consommés sur notre planète, comme le porc (4900 litres d’eau et 17 m2) et le poulet (4000 litres et 12m2), ont également besoin de beaucoup plus d’eau et d’espace que des végétaux tels que le riz (3400 litres d’eau et 0,4 m2) et le blé (1300 litres d’eau et 0,3 m2).

 

En cinquante ans, la consommation mondiale annuelle de viande, par personne, a presque doublé, soit de 23 kilogrammes en 1961 à 42 kilogrammes en 2011. Ces données sont utilisées dans une toute récente étude de la Faculté en management et en agriculture de l’Université Dalhousie, à Halifax. Les humains peuvent-ils garder ce cap? L’ONU en doute fortement. Elle incite déjà les populations à trouver des solutions de rechange afin de diminuer la consommation de viande à l’échelle planétaire.

Le consommateur

Alors, pourquoi ne pas tenter de convaincre les plus carnivores de remplacer à l’occasion leur boulette de viande par une protéine végétale quand vient le temps de manger un burger? Ça ne semble pas si simple. Certes, des organisations militent pour un changement d’habitudes alimentaires depuis plusieurs années. L’effet a été notable ces dernières années, mais quand même assez timide. Les humains, particulièrement les Occidentaux, continuent à manger de la viande. Beaucoup de viande. La faute aux lobbys? En partie. La faute aux producteurs de viande animale? Partiellement. La faute aux entreprises agroalimentaires? Aussi. Cela dit, le consommateur est le principal responsable.

Une enquête du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie abonde dans le même sens. Les gens ont des habitudes, et ils sont timides quand on leur demande de les adapter ou de les transformer, même au bénéfice de la santé humaine ou de l’environnement. Et plus les personnes sont âgées, plus elles semblent hésiter à changer leur alimentation. Elles recherchent des goûts et des textures qui sont familières, davantage que les personnes appartenant aux jeunes générations.

La viande, pour le meilleur et pour le pire

Certains scientifiques du milieu de l’industrie agroalimentaire ont déjà compris : la viande restera dans notre régime alimentaire pour encore des décennies. Alors, comment mieux nourrir l’humanité tout en atténuant les bouleversements climatiques et en faisant des affaires? La stratégie est de réduire les produits issus du bétail. Certains hommes d’affaires croient d’ailleurs qu’il est possible de faire de l’argent en misant sur de nouvelles propositions alimentaires. Ainsi, le changement n’est plus seulement une question de politique ou d’éthique, mais désormais une question d’argent. Ils pensent que la production de viande in vitro en laboratoire est non seulement une réponse à l’élevage intensif de bétail, c’est aussi une source potentielle de revenus. Le défi : la perception et l’adoption de la viande créée en labo chez les consommateurs. Jusqu’à présent, la plupart des compagnies tentent d’imiter la texture et le goût de la viande. Un produit qui s’éloigne trop des propositions habituelles – comme la viande de bœuf – engendre généralement le dégoût et le rejet.

Selon Sylvain Charlebois, économiste canadien et professeur titulaire à la Faculté en management et en agriculture de l’Université Dalhousie, à Halifax, un autre défi de taille réside dans l’utilisation de cellules animales en laboratoire. La majorité des pays ont désormais des lois qui encadrent assez sévèrement ces manipulations génétiques. « L’utilisation des cellules animales est un danger pour l’Homme et pour la nature. Pensons au saumon transgénique : l’utilisation de cellules en provenance du saumon pour en faire un poisson génétiquement modifié n’a pas été facile… En fait, ç’a été très délicat. Plusieurs spécialistes ont dit craindre des dérives… »

Chose certaine, une production à grande échelle de la viande et d’autres produits en laboratoire pourrait représenter une nouvelle phase dans l’industrie agroalimentaire. Déjà, certains scientifiques arrivent à des résultats encourageants.

La santé et la culture

Visiblement, les Occidentaux doivent manger moins et manger mieux… Devons-nous modifier radicalement notre façon de nous nourrir? Personne n’a de réponse parfaite à l’heure actuelle. On peut malgré tout parier que le client-citoyen aura un grand impact dans les modifications de la chaîne alimentaire.

« Toutes sortes de facteurs justifient l’arrivée de nouveaux aliments sur le marché, affirme Sylvain Charlebois, en entrevue. Les problèmes environnementaux (la déforestation, l’exploitation du charbon, la pollution des sols, les émissions de GES, l’épandage des fertilisants nocifs pour les humains, la faune et la flore), la maltraitance des animaux, les habitudes alimentaires, la proximité des produits, l’aisance financière du consommateur, la capacité de production d’une population, les enjeux associés à l’importation, etc. Pour l’instant, les Canadiens sont plus ou moins disposés à transformer leur régime alimentaire… Disons que ça change tranquillement. »

 

Pourquoi? Il n’est pas simple de changer ses habitudes, d’autant plus que les influences culturelles sont déterminantes dans le régime alimentaire d’un individu.

Les insectes et les méduses

Les insectes, notamment, n’ont pas la cote au Canada, même si ces produits, dont les farines, sont apparus sur les tablettes de certaines épiceries. Pourtant, les farines d’insectes sont bonnes pour la santé. Les insectes offrent notamment un haut taux de protéines. Culturellement, les Nord-Américains sont très peu enclins à consommer des insectes, qui sont jugés comme repoussants. Pour le moment, les gens s’habituent à l’idée que ces aliments pourraient un jour faire partie de leur panier d’épicerie.

Ailleurs dans le monde, les insectes sont consommés depuis longtemps. En fait, deux milliards de personnes mangent régulièrement des insectes. En Asie du Sud-Est ou encore en Afrique, par exemple, ils font partie des repas. Il en va de même pour les méduses, qui sont très populaires au Japon, au Vietnam ou en Chine. D’ailleurs, les méduses sont en forte croissance dans les mers du globe, en raison du réchauffement des océans et de la diminution de leurs prédateurs (dont les tortues). Or, elles ne sont guère alléchantes pour les Occidentaux, qui croisent rarement un tel produit dans les magasins. Pis encore, les méduses sont considérées comme des envahisseurs sur les plages, en été. En contrepartie, les algues se sont insérées tranquillement dans les habitudes alimentaires des Occidentaux depuis quelques décennies. On les mange dans les sushis, les soupes et quelques autres produits.

Si on leur donne le temps

Selon la Faculté en management et en agriculture de l’Université Dalhousie, les pays riches comme le Canada devraient normalement entamer des changements dans leurs techniques agroalimentaires traditionnelles. Mais, ceux-ci ne sont qu’à leurs premiers balbutiements. Au fil des décennies, les Occidentaux devraient s’adapter aux algues, aux insectes, aux méduses ou à la viande produite en laboratoire, si on leur donne le temps.

De toute évidence, on verra encore longtemps des entreprises imiter les goûts et les textures rencontrées habituellement dans le régime alimentaire des consommateurs nord-américains. Ces derniers connaissent mieux les propositions alimentaires nouvelles. Mais, ils demeurent attachés aux produits traditionnels, qui sont toujours adoptés en très grande majorité par les consommateurs, les producteurs et les autorités gouvernementales. C’est le cas au Canada.

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