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Toi, tu voulais juste des bottes

Kim Lavack Paquin
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Tu t’es déjà demandé pourquoi ton téléphone semble lire dans tes pensées? Pourquoi, après avoir à peine effleuré du regard tes vieilles bottes d’hiver trouées, tu te retrouves submergé de publicités pour du Gore-Tex et des gadgets à crampons? Non, ce n’est pas de la magie noire. Okay, peut-être un peu. En vrai, c’est pire.

C’est l’algorithme.

L’algorithme, c’est pas juste un outil. C’est comme un petit génie machiavélique enfermé dans une lampe magique ben « high » sur la dopamine et prisonnier d’une obsession maladive à vouloir deviner tout ce que tu veux… même quand tu le sais pas toi-même. Même si ta lampe magique, ben tu l’utilises juste pour texter ta blonde, scroller deux-trois niaiseries, pis une fois de temps en temps zieuter des recettes que tu feras jamais.

Il n’en fallait pas plus pour qu’il prenne le contrôle.

Bref, c’est pas le moteur de recherche qui t’amène où tu veux aller, c’est lui qui essaye de décider où tu VAS aller.

Sur Facebook, il te montre des gens qui pensent comme toi. Pour certains, c’est juste assez de monde fâché pour que tu restes impliqué. Pour d’autres, des pubs pour des pantoufles orthopédiques parce que t’as googlé « mal au talon » entre deux gorgées de vino cheap.

Sur Instagram, il va proposer à une fille un buffet de corps retouchés avec des coachs de vie en bikini qui vivent soi-disant de leur passion pour le journaling, parce qu’elle a eu le malheur de regarder une recette de, genre, « smoothie au kale et beurre d’amande sans amande ». Elle avait juste à pas…

Sur YouTube? Toi, t’étais juste curieux de savoir comment faire un banc en bois… Six heures plus tard, t’es devant un gars qui t’explique que les pyramides ont été bâties par des dauphins communistes venus du futur pour libérer l’énergie sacrée de l’Atlantide. Pis toi, tu manges tes chips, fasciné.

UN PEU D’HISTOIRE, MAIS PAS TROP

La petite histoire d’une grande idée

Avant de devenir le nom d’un monstre numérique qui te pousse des vidéos de singes qui fument, l’algorithme, c’était une invention du 9e siècle. Le mot vient du mathématicien perse Al-Khwārizmī, dont les écrits sur l’algèbre ont posé les bases du calcul logique. En latin, son nom est devenu Algoritmi… et boum. Des siècles plus tard, c’est ce terme-là qu’on utilise pour parler de ce qui trie, hiérarchise, prédit et propose.

Mais c’est au 20e siècle que les choses s’accélèrent. En 1936, un petit génie britannique du nom d’Alan Turing pond un article fondateur qui théorise la « machine universelle ». En gros, l’ancêtre de l’ordinateur. C’est lui aussi qui aidera à casser le code nazi Enigma pendant la Seconde Guerre mondiale. Une grosse tête et un bon gars.

Avec l’arrivée d’Internet dans les années 90, les premiers algorithmes de tri apparaissent dans les moteurs de recherche. En 1998, Larry Page et Sergey Brin lancent Google avec un algorithme appelé PageRank, qui classe les pages selon le nombre (et la qualité) des liens entrants. L’idée? Ce qui est le plus recommandé est le plus pertinent.

Mais, rapidement, l’enjeu passe de trouver ce que tu cherches à te montrer ce que tu ne savais pas vouloir. Et c’est là que les choses dérapent. YouTube, Facebook, Amazon, Netflix, TikTok… tous développent des systèmes algorithmiques ultra-personnalisés qui apprennent de tes clics, de ton rythme de « scroll », de tes silences.

Résultat? Ce n’est plus toi qui explores l’info : c’est l’info qui t’explore.

Dans les années 90, les algorithmes, c’était comme un commis dans un club vidéo. Tu demandais un film de ninja, y te pointait la section ou y t’en proposait peut-être deux. Lui ou lui. Aujourd’hui? C’est un sommelier de dopamine, avec un PhD en manipulation comportementale. Il te surveille. Il sait quand t’es écœuré, horny, broke ou sur le bord de texter ton ex. Il sait combien de temps tu fixes un post, combien de secondes tu hésites avant de « swiper », et à quelle heure tu craques pour un quiz « Quel personnage de Friends es-tu vraiment ».

T’as regardé une fille en legging beige faire un squat? BOOM. Trois semaines de contenu « fitfluencer » à base de squats, de gainage et de « morning routine » tournée à Bali.

Gâte. Toi.

ÇA MANGE QUOI EN HIVER?

Un algorithme, c’est un système de tri. Une recette qui s’adapte à ton frigo mental. Google trie selon ta position, ton historique, ton langage, pis ce que les gens « comme toi » ont cliqué. Facebook et Instagram? Leur but, c’est que tu restes. Plus tu restes, plus ils te montrent des pubs. Netflix et compagnie? Des prestidigitateurs : tu crois choisir ton film, mais on te fait choisir parmi une sélection organisée par l’IA qui sait que t’as déjà pleuré devant un documentaire sur les pieuvres.

Plus tu nourris la machine, plus elle devient précise. Pis plus elle est précise, plus tu confonds confort avec vérité. Et c’est souvent là que l’horizon de ton monde commence à rétrécir… parfois, jusqu’à croire que la Terre est plate.

Le problème, c’est pas qu’on utilise des algorithmes. Le problème, c’est qu’ils nous utilisent.

C’est qu’on pense que nos goûts sont libres, alors qu’ils sont modelés. On pense qu’on a des opinions, alors qu’on a des réactions. C’est pas tout le monde qui est manipulé, mais c’est tout le monde qui en est influencé d’une façon ou d’une autre.

MAIS BON… NE DEVENONS PARANO

C’est pas une conspiration. C’est plus simple que ça : c’est une stratégie d’affaires. « Money talks. » Le monde s’est pas mis ensemble pour te contrôler. Bon, c’est sûr que c’est fort probable qu’y en a qui compare leurs notes mais, ça, c’est pour une autre chronique.

La vérité, c’est que nous sommes tous plus profitables quand on est prévisibles. Et qu’on est tous plus prévisibles quand on est pauvres, mais pas trop. Heureux, mais pas trop. Libres… mais pas trop.

Est-ce qu’on peut s’en sortir? Pas vraiment. Est-ce qu’on peut danser avec le diable? Peut-être.

Faut juste se rappeler que l’algorithme, aussi intelligent soit-il, ne peut pas résister à quelqu’un qui cultive sa curiosité. Si tu vas là où on ne t’attend pas, si tu cherches des choses que t’as jamais cherchées, si tu changes de chemin une fois de temps en temps… le plus souvent possible, si t’arrêtes d’acheter des niaiseries, surtout, si tu passes moins de temps en ligne. C’est là que tu forces la machine à t’aimer autrement.

Ou à te trouver ailleurs.

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