fbpx
En kiosque

A24 : Le studio américain qui a redéfini le cinéma indépendant et l’horreur

Nicolas Lacroix
Partager

Le studio A24 est devenu, en quelques années, une référence incontournable dans le monde du cinéma indépendant. La simple apparition de son logo au début d’une bande-annonce suscite automatiquement l’intérêt des cinéphiles moindrement aventureux.

Réputé pour son esthétique audacieuse, ses choix de scénarios singuliers et son soutien à de jeunes auteurs, A24 s’est forgé une image unique mêlant prestige critique et culte populaire. Son ascension fulgurante illustre une transformation de l’industrie cinématographique dans un contexte de bouleversement des modèles traditionnels de production et de distribution.

Les origines d’un phénomène

A24 a été fondé en août 2012 à New York par Daniel KatzDavid Fenkel et John Hodges. Tous trois étaient des vétérans de l’industrie : Katz avait travaillé chez Guggenheim Partners et à la filiale cinéma de Lionsgate, Fenkel était l’un des cofondateurs de Oscilloscope Laboratories, et Hodges venait de chez Big Beach Films, société connue pour le succès indépendant Little Miss Sunshine.

Leur but était simple mais ambitieux : créer une maison de distribution indépendante qui donnerait une voix aux films singuliers, aux visions d’auteur, sans compromis commerciaux. Bref, une solution de rechange aux éternelles suites et films de superhéros que les gros studios vomissent sans interruption. Le nom A24 vient de l’autoroute italienne A24 reliant Rome à la mer Adriatique, une référence à un voyage symbolique, synonyme d’aventure artistique.

Une signature vite remarquée

En 2013, A24 sort son premier film, A Glimpse Inside the Mind of Charles Swan III, de Roman Coppola. Ce n’est pas un succès critique mais, la même année, le studio distribue Spring Breakers de Harmony Korine, avec James Franco, un ovni pop trash et psychédélique qui marque les esprits et attire l’attention sur A24.

Puis, viennent The Bling Ring de Sofia Coppola, The Spectacular Now de James Ponsoldt et Under the Skin de Jonathan Glazer, un film culte fort respecté qui met en vedette Scarlett Johansson dans le rôle d’une extraterrestre qui consomme les hommes après les avoir séduits. Différent, vous dites? Glazer, qui donnera un autre grand succès quelques années plus tard avec The Zone of Interest, tourne majoritairement avec des non-acteurs et des caméras cachées.

A24 affirme une ligne éditoriale claire : des œuvres visuelles fortes aux récits souvent atypiques, explorant la psyché, l’identité, la jeunesse et le malaise contemporain.

En 2014, le studio frappe un grand coup avec A Most Violent Year de J.C. Chandor et surtout Ex Machina d’Alex Garland en 2015, un film de science-fiction philosophique qui devient culte. Garland (Civil War) y explore déjà l’intelligence artificielle sous les traits remarquables d’Alicia Vikander.

Le réalisateur québécois Denis Villeneuve tourne avec eux Enemy, un thriller mettant en vedette Jake Gyllenhal. Le film vaudra à Villeneuve le prix du meilleur réalisateur au gala des Écrans canadiens.

Le studio fait parler de lui aux Oscars en 2015 avec le film Room, un drame familial mettant en vedette Brie Larson et le jeune canadien Jacob Tremblay dans les rôles d’une mère et de son fils victimes d’abus par un homme qui les garde prisonniers d’une chambre. Le film recevra quatre nominations et un Oscar à la 88e remise, celui de la meilleure actrice pour Brie Larson.

Deux ans à peine après sa création et on commence à comprendre que A24 et qualité vont de pair.

La consécration

L’année 2016 marque un tournant : en plus de distribuer les productions des autres, A24 commence à produire ses propres films avec, notamment, Moonlight de Barry Jenkins. Le film, retraçant l’enfance et l’adolescence d’un jeune homme noir homosexuel à Miami, remporte l’Oscar du meilleur film, une première pour un studio indépendant aussi jeune.

C’est une consécration inattendue et historique. A24 gagne aussi les Oscars du meilleur scénario adapté et du meilleur second rôle masculin (Mahershala Ali). Cette victoire sécurise sa réputation dans l’industrie et dans les médias.

La même année, A24 sort aussi The Witch de Robert Eggers et Green Room de Jeremy Saulnier, qui confirment son amour du cinéma de genre réinventé.

En 2017, c’est Lady Bird de Greta Gerwig et The Florida Project de Sean Baker qui triomphent, mêlant chronique sociale et style intimiste. Ces films obtiennent plusieurs nominations aux Oscars.

Un style A24?

À ce stade, A24 n’est plus qu’un distributeur : c’est une marque de commerce culturelle. Son nom est synonyme d’un cinéma indépendant exigeant, esthétiquement léché, émotionnellement viscéral, souvent à la frontière de plusieurs genres (horreur, drame, science-fiction).

Le studio privilégie les jeunes réalisateurs et réalisatrices, souvent à leur premier long métrage et, surtout, les projets originaux : pas de franchises, pas de reprises.

Parmi les traits stylistiques souvent associés à A24 :

  • Une photographie soignée et parfois surréaliste
  • Des récits intimistes centrés sur l’identité
  • Un montage elliptique et une narration non linéaire
  • Une atmosphère mélancolique ou oppressante
  • Une bande-son électro ou minimaliste

L’essor de l’horreur « élevé »

A24 devient aussi LA référence dans le nouveau cinéma d’horreur, souvent qualifié d’ « elevated horror » (ou horreur intellectuelle). Hereditary (2018) d’Ari Aster est un choc : un drame familial sombre qui vire au cauchemar démoniaque. Le film est un succès critique et commercial.

Ari Aster enchaîne avec Midsommar (2019), digne représentant de l’horreur folklorique, tandis que Robert Eggers revient avec The Lighthouse (2019), une œuvre baroque en noir et blanc avec Willem Dafoe et Robert Pattinson.

Ces films repoussent les codes du genre, tout en attirant un public jeune amateur d’œuvres audacieuses.

En parallèle, A24 soutient aussi des drames innovants, comme Waves (2019), Uncut Gems (2019) des frères Safdie avec Adam Sandler, ou First Cow (2020) de Kelly Reichardt.

La suite dans votre SUMMUM 196

Partager

Recommandés pour vous

PROCHAIN ARTICLE
En kiosque

Toi, tu voulais juste des bottes