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Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques

Rédacteur en chef Jean-Sébastien Doré
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Le grand insécure

Le titre est de notre artiste invité qui, au moment de l’entretien que vous vous apprêtez à lire, n’avait pas encore vu Les Barbares de La Malbaie de Vincent Biron, nouveau long-métrage le mettant en vedette. Philippe-Audrey Larrue-St-Jacques ne savait donc pas à quoi s’attendre de sa prestation dans cette comédie dramatique, de hockey, oui, mais surtout de relations humaines, en salle depuis quelques jours. Petite discussion avec le comédien et humoriste, révélé au grand public par l’émission Like-moi!, sur son personnage à l’écran, Yves Tanguay, sur le hockey, le cinéma. Et son amour du riz et des leggings!

De quelle manière as-tu été approché pour le projet ? Est-ce que c’est par l’entremise d’amis communs avec l’équipe du film? Oui. En fait, ce qui s’est passé, c’est que… La série Léo de Fabien Cloutier est réalisée par Jean-François Chagnon, qui est aussi le réalisateur de Like-moi!, et je connais assez bien Fabien, alors il m’a donné un petit rôle, juste pour dire, pour être gentil. Le gars qui s’occupait de la caméra, c’est Vincent Biron, le réalisateur du film. Pendant l’heure du lunch, il est venu me voir et il m’a dit « Heille, toi tu joues-tu au hockey? Es-tu bon sur des patins? », plein de questions très spécifiques. « Tu lances de quel bord? » Je me disais « Voyons, il veut tu me mettre dans sa ligue de garage? ». Toutes mes réponses étaient super vagues, « pas vraiment », « moyen »… parce que je ne voulais pas jouer au hockey avec des inconnus, je veux jouer avec des amis. Tout ça pour dire que, quelques mois plus tard, je reçois une convocation d’audition du fameux Vincent. Il m’avait donné une copie du scénario, je l’ai lu, et ma première réaction a été de me dire « Je comprends pas pourquoi tu veux me voir en audition pour jouer un joueur de hockey ». Là, il a écouté mes grandes douleurs existentielles, mes grandes frustrations face au hockey, et il m’a dit que c’était exactement ça qu’on devait aller chercher. Si j’avais su que ma carrière de joueur raté allait porter ses fruits un moment donné, je l’aurais ratée encore plus. (Rires)

T’as déjà joué au hockey pas mal à une certaine époque? Oui, mais comme tous les petits gars qui jouent vaguement dans la rue, qui jouent pee-wee pas bons. (Rires) Je faisais surtout du ski, encore plus pas de rapport au hockey, mettons! Mais oui, j’ai toujours été un grand fan de hockey, mais j’ai jamais pu porter ça à mon plein potentiel!

Dans le scénario qu’il t’a présenté, au-delà du lien que tu fais entre ton vécu et celui du personnage, qu’est-ce qui t’as intéressé, qu’est-ce qui t’a plu dans le scénario? Premièrement, en le lisant, j’avais hâte de voir si ça allait marcher ou pas, sa démarche. Déjà. Deuxièmement, j’ai beaucoup, beaucoup aimé la relation de Yves avec son petit cousin. J’ai trouvé ça le fun qu’un gars de 30 ans vive ça avec un petit gars d’à peu près 16 ans, je trouvais ça vraiment touchant. J’ai aussi aimé le fait que ce soit un film qui est un peu comme le personnage de Yves : Yves, dans sa vie, il est tout seul, mais si tu enlèves un seul élément, il n’y a plus rien. Le scénario représentait beaucoup ça, l’aspect esprit d’équipe, et j’ai bien aimé.

Le personnage de Yves, peux-tu nous le décrire? Yves Tanguay, c’est qui? Yves, c’est probablement une personne avec qui je ne serais pas ami dans la vie. Non, vraiment pas.

Le film ne nous le rend pas toujours sympathique… Exactement. Yves, c’est un ancien grand joueur de hockey qui a raté sa carrière. Par sa faute. En fait, c’est un gars incapable de tourner la page. La page est déchirée, mais c’est à cause de lui. C’est la meilleure image : il est incapable de tourner la page qu’il a déchirée lui-même. C’est quelqu’un qui a aucune considération. C’est ça qui a été difficile à tourner, et j’espère que je ne suis pas de même dans la vie. Je n’avais pas de réflexes automatiques, et dès qu’il fallait improviser, surtout au début… hé boy! Je ne savais pas comment le faire parler, ce n’est pas un milieu que je connais le monde du hockey. Des gens comme Yves, j’essaie de me tenir loin de ça, donc j’ai pas d’amis sur lesquels me baser. Ça été bien compliqué. Et Yves, j’espère qu’on va découvrir sa faille; c’est un gars qui est beaucoup dans le déni et qui cache sa frustration en étant méchant avec les autres. Chaque fois qu’il est porté aux confins de lui-même, c’est là qu’il est le plus méchant.

SI J’AVAIS SU QUE MA CARRIÈRE DE JOUEUR RATÉ ALLAIT PORTER SES FRUITS UN MOMENT DONNÉ, JE L’AURAIS RATÉE ENCORE PLUS!

Comment te l’es-tu représenté en relation avec son cousin, justement? On débute l’écoute du film avec l’impression qu’Yves en est le personnage principal, avant de découvrir la quête de JP. Je l’ai toujours vu comme un film à deux. Je pense que pendant le tournage, Justin [Leyrolles-Bouchard, l’interprète de JP] et moi avions la même importance. En fait, je n’ai jamais pensé que le film avait un lead. J’ai toujours vu ça comme un film à Justin et moi, à parts égales. C’est comme ça aussi que j’ai approché le personnage, c’est-à-dire qu’Yves, sans son cousin, il n’est rien. JP, c’est le dernier à croire en lui. J’ai développé avec Justin une relation de confiance, son regard était important pour moi, même dans la vraie vie. C’est donc dans la vraie vie que s’est développée de cette manière la relation de Yves et JP.

As-tu préféré interpréter le côté plus humoristique et cabotin de Yves, ou plutôt son côté tragique, jusqu’à un certain point, voire même pathétique? Honnêtement, j’avais plus de facilité à interpréter son côté cabotin, épais. Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai détesté danser. Moi, il faut que tu me donnes beaucoup d’alcool pour que je danse. La vérité, c’est que j’ai approché le tragique et le comique un peu de la même façon. Le personnage ne le sait pas quand c’est tragique en tant que tel, et il ne le sait pas quand il est comique. À quelque part, c’est aux spectateurs de déterminer si c’est drôle ou pas. Moi, j’ai juste voulu jouer la vérité de chaque situation. Donc, effectivement, des fois Yves est quand même sympathique, il a un succès auprès des filles, il y a certains gars dans sa chambre de hockey qui le respectent. Il ne fallait pas qu’il soit totalement trou de cul, et c’est ça que j’ai aimé trouver : où est-ce qu’on se situe par rapport à ça. C’est facile de faire un trou de cul total, qu’on haït, sauf que c’est pas le fun pour le spectateur. Et faire un cabotin intégral, ça n’aurait pas fitté dans le film, par rapport à la quête en tout cas. D’où l’idée de jouer la vérité de chaque scène.

Même ses one-liners amusants, on ne dirait pas que le personnage les lance pour faire rire. Je pense par exemple ici au moment où il lance à la blonde de son ami que, malgré qu’elle passe son temps au gym, elle a « gardé son petit gras de cul ». (Rires) Oui! Ça c’est un moment où Yves est très sympathique! Il arrive à minuit chez quelqu’un et lui dit qu’elle a un gros cul. Ça, ce n’est pas un réflexe que j’ai! Pas avant 3h du matin! (Rires) De mémoire, c’est une réplique improvisée, j’étais plus à l’aise avec le personnage et je sortais des pointes de même. Je m’excusais à l’actrice après pour être sûr qu’elle n’était pas blessée.

As-tu des anecdotes de tournage ou des moments avec l’équipe que tu as particulièrement aimés? Autre question d’une grande importance : est-ce que c’est agréable de tourner la majeure partie d’un film en espèce de gros leggings moulants? C’est dégueulasse! Honnêtement là, c’est la pire chose. Et ce qu’il faut dire, c’est que, non seulement je suis en leggings, mais je suis en leggings avec 40 livres en trop. J’ai l’impression d’être un cornet de crème glacée dégoulinant. Déjà à la base, ça m’écœurait. Je ne sais pas pourquoi, mais il a fait froid tout le long de ce film-là. Toutes les scènes extérieures, toutes les scènes dans la maison : il n’y avait pas de chauffage, c’était l’hiver, on gelait constamment. Le moment où il a fait chaud, enfin, c’est celui où on tournait les scènes d’aréna. Autrement, il faisait -38 tout le temps et des leggings… aussi bien dire que t’es tout nu.

Le moment que j’ai bien aimé, qui va rester longtemps dans ma mémoire, c’est… c’est pas drôle. En fait c’est drôle, mais il fallait être là! (Rires) Pendant le tournage, on était dans un magasin de sport, et je ne sais pas pourquoi, mais ça sentait la charogne. Dans toutes les scènes de magasin de sport, dites-vous que nous, ça empeste pendant qu’on joue. C’est donc vraiment difficile de rester sérieux, et c’était des scènes assez sérieuses, mais ça pu! On riait beaucoup, c’était dégueulasse. C’était un vieux magasin de sport, pour moi ils n’avaient pas lavé l’équipement. Autre chose : les Foreurs de Val-d’Or nous ont offert – ben, on l’a loué, là – leur aréna pour le tournage des scènes à Val-d’Or. Un moment donné, je me suis vraiment ramassé sur la patinoire des Foreurs, avec la bannière et tout, et c’est devenu tellement réel à ce moment-là que ça m’a vraiment ému. Je me suis dit que c’est ce qu’on doit vivre quand on a accompli quelque chose à quelque part, être sur la glace avec ton nom au plafond. C’est quelque chose que je ne vivrai jamais, ça sert à rien de le nier. Je ne serai pas dans la Ligue nationale, je pense, fait que ça m’a énormément ému!

Ce qui est vraiment trippant, c’est que les Barbares, toutes les scènes de hockey, on les a cannés en même temps et à la fin de cette semaine-là, on était vraiment une équipe de hockey. Il y avait vraiment une dynamique, il y avait des leaders, un scorer, ça a vraiment bien marché. Cela dit, on s’est fait péter la gueule ben raide par les figurants qui étaient tous des joueurs de la Ligue américaine. (Rires) On se dit tous qu’on serait peut-être capable de faire un shift avec eux, mais oublie ça! Oublie ça! Heille, scoop : quand on ne me voit pas la face, c’est pas moi qui patine! (Rires)

HEILLE, SCOOP : QUAND ON NE ME VOIT PAS LA FACE, C’EST PAS MOI QUI PATINE!

Tu parlais plus tôt de ton poids en trop dans tes leggings serrés. Si ce n’est pas indiscret : est-ce que c’était une transformation extrême voulue, à la Christian Bale, ou tu avais seulement 40 livres en plus? (Rires) Non, c’était une transformation extrême! Peut-être pas à la Christian Bale, mais c’était une transformation extrême, parce que j’ai eu le rôle en novembre, on a commencé à tourner en mars, et en cinq mois, donc, j’ai pris à peu près 36 livres. C’était vraiment pénible! C’était comme un… comment dire… un double engraissement, parce qu’il fallait que j’aie les épaules, les cuisses d’un gars de hockey, qui a joué toute sa vie. Mais en même temps, il fallait que j’aie la physionomie d’un gars qui boit et qui mange de la poutine depuis 10 ans. J’ai dû prendre une dizaine de livres en muscle, et le reste en gras. Moi, je pensais que grossir c’était le fun, tu manges des pâtes et des chips et ça va bien, mais non! En fait, grossir et maigrir, c’est les deux pires affaires. J’allais au gym deux fois par jour à la fin, pour être sûr d’être bien pompé, et je mangeais du riz… Sérieusement, je pense que je suis responsable de 3% de l’importation du riz vietnamien. Ça n’a pas de rapport. Je faisais juste manger du riz, tout le temps, tout le temps, tout le temps. Pour me garder gras, pour les scènes où j’étais en chest, je trouvais ça important. Sincèrement, ça n’a pas été le fun, mais ça me prenait ça pour me croire, parce que moi, naturellement, je ne me crois pas en joueur de hockey. Il y a tellement peu de premiers rôles au Québec, je me disais que, si c’était ma première et seule fois dans un premier rôle, j’allais me donner tout entier à la Christian Bale : cheveux longs, barbes, 40 livres en trop, petits leggings. Toutes des choses que je n’ai pas dans la vraie vie. Surtout les leggings.

Est-ce que le cinéma est une avenue que tu voudrais explorer davantage dans les prochaines années? Au cinéma, comme à la télé, c’est pas toi qui décide. On t’offre des rôles. La réponse simple c’est : ce n’est pas moi qui décide, mais la porte est toujours ouverte. Ça a été une expérience incroyable. Tu sais, la différence entre le cinéma et la télé, c’est qu’on a le temps au cinéma, on prend le temps. La télé, ça va tellement vite. Pour un film, on a le luxe de découvrir à la sixième prise quelque chose qu’on n’aurait pas imaginé à la première. Bref, ce fut une belle expérience que j’aimerais répéter. Une expérience ardue, physiquement et psychologiquement, mais tout de même géniale. En tout cas, on va voir si je suis poche! (Rires) Ça se peut que ma réponse change en visionnant le film.

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