fbpx
En kiosque

Sciences participatives et vie marine : quand le grand public se mouille pour le corail

Chroniqueur Jean-François Cyr
Partager

Les sciences participatives sont fort populaires depuis quelques années. En gros, elles permettent d’amasser une vaste quantité de renseignements grâce à des gens qui ne sont pas des spécialistes, des chercheurs, des scientifiques. Il s’agit d’une approche de recherche où le public participe activement à la collecte et à l’analyse de données scientifiques. Ces informations ne sont pas moins pertinentes, bien au contraire. Une fois analysées et traitées par un groupe d’experts, elles peuvent mener à une meilleure compréhension d’un univers précis ou d’un phénomène. C’est le cas pour le monde marin.

Il y a quelque temps, la NASA avait demandé la participation du public pour une recherche exploitant leurs ordinateurs personnels afin de créer un géant ordinateur mondial pour exécuter leurs calculs lorsque ces derniers n’étaient pas utilisés. Le même genre de participation a été demandé dans le milieu de la plongée afin que les gens envoient leurs images (photo ou vidéo) de coraux permettant ainsi de créer une banque de données plus grande, à des coûts minimes.

La préservation des récifs coralliens : l’idée

Les récifs coralliens, écosystèmes marins parmi les plus diversifiés et vitaux de la planète, font face à des menaces croissantes en raison des changements climatiques, de la pollution et de la surpêche. Pour mieux comprendre et préserver ces écosystèmes fragiles, les scientifiques ont de plus en plus recours aux sciences participatives, qui impliquent, entre autres choses, l’imagerie. Cette approche innovante implique la collaboration du grand public dans la collecte de données et utilise des technologies avancées pour surveiller et protéger les récifs coralliens. Cette collaboration est cruciale pour recueillir des informations sur une échelle mondiale, là où les chercheurs ne pourraient pas être présents en permanence.

Des programmes de sciences participatives, comme Coral Watch (créé en 2002, en Australie), encouragent les plongeurs amateurs et les passionnés de la mer à surveiller l’état de santé des coraux en utilisant des méthodes simples, mais informatives. Par exemple, les participants peuvent mesurer la couleur des coraux à l’aide de cartes de couleurs standard, fournissant ainsi des indications sur la santé des coraux et la présence éventuelle de maladies. 

En impliquant la communauté, les scientifiques obtiennent un accès à des données à grande échelle, ce qui améliore la compréhension des variations régionales et des changements à long terme. De plus, la participation du public sensibilise aux problèmes liés aux récifs coralliens et favorise l’engagement envers leur conservation. Cette initiative est l’idée de base pour les sciences participatives impliquant l’imagerie.

L’imagerie : un œil sur les profondeurs

L’imagerie sous-marine a révolutionné notre capacité à explorer et à surveiller les récifs coralliens. Les avancées technologiques, telles que les drones sous-marins et les caméras spécialisées, permettent de capturer des images détaillées des fonds marins, offrant ainsi aux scientifiques une vue sans précédent sur la santé et la diversité des récifs coralliens.

Les drones sous-marins, équipés de caméras haute résolution, peuvent parcourir de vastes étendues de récifs coralliens, fournissant des données visuelles qui seraient autrement inaccessibles. Ces images permettent aux chercheurs d’évaluer l’état des coraux, de détecter les zones touchées par le blanchissement et de suivre l’évolution des communautés marines. L’utilisation de caméras sous-marines autonomes dans le cadre de projets de sciences participatives offre également aux plongeurs amateurs la possibilité de contribuer à la surveillance des récifs coralliens. En fournissant des images de qualité, ces volontaires contribuent à la création de bases de données visuelles étendues, renforçant les efforts de conservation.

L’intégration des sciences participatives et de l’imagerie offre une approche globale pour la conservation des récifs coralliens. Les données et les images collectées par le public provenant de technologies avancées se complètent mutuellement, offrant une perspective complète de l’état des récifs. 

L’une des applications les plus prometteuses de cette combinaison est la surveillance en temps réel du blanchissement des coraux. Le blanchiment des coraux (l’une des missions de l’organisation Coral Watch, qui a été abordée plus tôt), provoqué par des conditions environnementales stressantes comme la hausse de la température de l’eau, peut être détecté plus rapidement grâce à l’imagerie sous-marine. Les citoyens scientifiques peuvent également signaler des observations de blanchiment, ce qui accélère la réaction des chercheurs et des responsables de la conservation.

Les images recueillies peuvent également être utilisées pour cartographier la distribution des espèces et l’ampleur des coraux, tout comme pour évaluer leur état et les impacts des activités humaines. Elles sont aussi pertinentes afin de mesurer l’efficacité des efforts de conservation. Par exemple, les images aériennes prises par des drones peuvent documenter l’étendue des dégâts causés par l’ancrage de bateaux ou la pollution côtière, aidant ainsi à orienter les mesures de protection. Bien entendu, ces images peuvent être prises par des propriétaires de drones – aériens et sous-marins – et des plongeurs amateurs. Ceux-ci contribuent à une meilleure connaissance générale de l’état actuel des fonds marins et, en l’occurrence, des coraux.

Des témoignages visuels puissants

Les images jouent un rôle clé dans la sensibilisation et la communication. Une image vaut mille mots, a dit Confucius… Vous avez déjà compris que les photographies et les vidéos permettent de documenter visuellement l’état des récifs coralliens, offrant une perspective immersive de la beauté fragile de ces écosystèmes. Vous aurez aussi compris que celles-ci peuvent également servir de preuves tangibles des impacts des activités humaines et naturelles sur les coraux. L’approche des sciences participatives permet une surveillance à grande échelle, complétant les efforts des scientifiques professionnels.

Outre Coral Watch, d’autres organisations mobilisent des plongeurs amateurs et des passionnés de la mer pour recueillir des données sur l’état des récifs coralliens. Mentionnons Reef Check et le programme Reef Life Survey. Ces citoyens scientifiques jouent un rôle crucial en documentant les changements dans la couleur, la santé et la diversité des coraux. Toutes ces données recueillies par les sciences participatives alimentent également des bases de données accessibles au public, favorisant la transparence et la sensibilisation. Les citoyens du monde entier peuvent ainsi suivre l’évolution des récifs coralliens et comprendre l’urgence de leur préservation. Cette sensibilisation accrue peut également conduire à un soutien financier et politique accru en faveur de la protection des récifs.

Les défis

Bien que les sciences participatives et l’imagerie offrent des avantages significatifs pour la conservation des récifs coralliens, des défis persistent. La formation et l’engagement du public, la standardisation des méthodes de collecte de données et la gestion de la quantité massive d’informations recueillies font partie des aspects cruciaux.

Pour garantir le succès de ces approches, il est essentiel de promouvoir l’éducation environnementale et de fournir aux participants les compétences nécessaires pour collecter des données de manière précise et cohérente. C’est ce qu’affirme l’association française Astrolabe Expéditions (lire le passage à son sujet). Les plateformes en ligne et les applications dédiées peuvent faciliter la formation et la communication entre les scientifiques et les volontaires. 

La standardisation des protocoles de collecte de données est également un enjeu majeur. Les scientifiques doivent s’efforcer de développer des méthodes normalisées pour garantir la fiabilité et la comparabilité des données collectées par différentes personnes et organisations. Cela assure que les informations recueillies par les sciences participatives restent pertinentes et utiles pour les études scientifiques à long terme.

La gestion des données est aussi un énorme défi. Avec le nombre croissant de participants et la quantité toujours plus grande d’images générées, il est impératif de développer des systèmes efficaces de stockage, d’analyse et de partage des données. L’utilisation de l’intelligence artificielle pour l’analyse d’images peut être un moyen de relever ce défi, ce qui permet une analyse rapide et précise des vastes ensembles de données visuelles. 

Un avenir collaboratif pour la préservation

En définitive, on peut dire que les sciences participatives, les images et la préservation des récifs coralliens forment un mariage prometteur dans lequel l’innovation continue est la clé. L’implication de la communauté mondiale dans la surveillance des récifs offre une perspective unique. Elle élargit aussi la portée des efforts de conservation. Les images, qu’elles proviennent de caméras sous-marines ou de drones, complètent les données quantitatives, offrant une compréhension plus riche de l’évolution des écosystèmes coralliens.

L’avenir de la préservation des récifs coralliens dépend ainsi de la collaboration entre scientifiques, plongeurs amateurs, citoyens engagés et acteurs technologiques. En unissant leurs forces, ils peuvent mieux comprendre, surveiller et protéger ces précieux écosystèmes, assurant ainsi leur survie, ce qui bénéficie à la faune, la flore et l’humanité entière.

Le programme DeepCor d’Astrolobe Expeditions

Le programme Deepcor (Deep Corals) de l’association française Astrolabe Expeditions, créé il y a quelques années, est une autre initiative dans le monde des sciences participatives. Il a pour vocation de fournir des kits aux usagers de la mer afin de recueillir des données précieuses pour approfondir les connaissances sur les coraux profonds. On parle ici des écosystèmes coralliens mésophotiques (ou récif corallien crépusculaire) qui caractérisent les récifs localisés à des profondeurs supérieures à 30 mètres et jusqu’à 150 mètres. Il faut préciser qu’un intérêt grandissant pour ces coraux a récemment émergé : cet écosystème aurait un rôle crucial à jouer dans la survie des coraux face aux changements climatiques. Mais, en raison des limites techniques d’accès à cet écosystème, ces coraux restent encore très peu étudiés dans la plupart des pays du monde.  

Le projet Deepcor a pour objectif de collecter des données qui seront mises à la disposition des citoyens, aux chercheurs et aux gestionnaires du milieu marin. Lors des expéditions (en bateau) du programme, des spécialistes amassent des informations visuelles numériques et physico-chimiques des habitats mésophotiques à l’échelle internationale. Le cœur du projet réside dans l’utilisation de technologies de pointe, telles que les sous-marins télécommandés et les instruments de collecte de données automatisés, pour explorer les profondeurs marines. Ces technologies permettent aux chercheurs d’observer les fonds avec une précision sans précédent, capturant des images, des vidéos et des données environnementales cruciales. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que le projet marque une avancée significative dans le domaine de la recherche marine et des sciences participatives.

Deepcor mise sur la participation active du public dans le processus de recherche scientifique. Les citoyens du monde entier sont invités à contribuer à la collecte de données sur Internet. En fait, ils fournissent des informations. Les participants peuvent analyser des images, identifier des espèces, et même proposer des hypothèses qui guideront les recherches ultérieures. Cette approche, qui démocratise la science en permettant à chacun de jouer un rôle actif dans la découverte et la compréhension de l’environnement marin, présente de nombreux avantages. Tout d’abord, elle élargit considérablement la portée de la recherche, permettant de collecter des données sur une échelle géographique beaucoup plus grande que ce qui serait possible avec une équipe de chercheurs seule. De plus, elle sensibilise le public à l’importance de la préservation des océans en les impliquant directement dans le processus scientifique. 

Des données partielles recueillies ont déjà permis d’identifier de nouvelles espèces marines, de cartographier des habitats jusqu’alors inconnus et d’observer des comportements écologiques intrigants. Toutes les informations collectées lors de ce projet sont mises à disposition du public, créant ainsi une base de connaissances ouverte et collaborative. 

Partager

Recommandés pour vous

PROCHAIN ARTICLE
En kiosque

PARLONS CONDOMS