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TOUTÂNKHAMON

Chroniqueur Carl Rodrigue
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Depuis leurs découvertes au 19e siècle, les momies fascinent. Et, grâce en bonne partie à Hollywood, elles ont intégré la culture populaire alors que plusieurs films produits au fil du temps exploitent leurs parts de mystère. On peut penser à l’incarnation plus terrifiante des années 30 de l’écurie des « monstres » du studio Universal ou encore aux versions plus fantastiques du début des années 2000 avec une trilogie mettant en vedette le comédien Brendan Fraser. Plus récemment, c’est Tom Cruise qui s’est frotté à une momie féminine maléfique.

En bande dessinée, Hergé exploite le phénomène deux fois, la première en 1932 avec Les cigares du pharaon, puis dans les années 40 avec son aventure Tintin et les sept boules de cristal, l’un des albums les plus populaires de la série. Il s’inspire d’une momie inca pour son personnage de Rascar Capac. Le phénomène des momies ne se limite donc pas à l’Égypte, même si elle y est souvent associée. Pour cause, une véritable égyptomanie se développe dans les années 20, principalement à cause des trouvailles incroyables de l’archéologue britannique Howard Carter et d’un supposé sortilège poussé par une presse soucieuse d’augmenter ses tirages.

En 1892, Carter est d’abord engagé comme artiste afin de reproduire sur aquarelle diverses fresques et bas-reliefs. Ses vastes années d’expérience de terrain le mènent vers le Lord Carnarvon, un richissime mécène féru d’archéologie, qui l’embauche comme conseiller en 1907. Leurs fouilles ne les mènent malheureusement nulle part. Plusieurs archéologues sont convaincus que la vallée des Rois, région située près de la ville de Thèbes, a livré tous ses secrets.

Mais, en 1917, la découverte de sceaux et de jarres – qui auraient appartenu à Toutânkhamon – les encourage à poursuivre leur recherche de son tombeau perdu. Leurs maigres découvertes finissent par alourdir les finances et, en 1922, Lord Carnarvon annonce son intention d’arrêter. Toutefois, Carter le convainc de poursuivre une année supplémentaire.

Pour sa dernière tentative, il fait preuve d’audace en installant son chantier près du tombeau de Ramsès VI, découvert en 1898. Il constate que l’endroit a peu été prospecté, probablement parce que l’entrée de la tombe est un lieu très prisé des touristes. Son flair lui donne raison lorsque le 1er novembre, il fait la découverte de fondations de cabanes d’ouvriers qui avaient œuvré à la construction du tombeau de ce dernier. Le 4 novembre, en creusant dessous, l’équipe déterre une succession de marches qui mènent Carter devant une porte munie du sceau royal annonçant qu’un grand personnage se trouve derrière celle-ci. Le temps que Carnarvon les rejoigne depuis l’Angleterre, qu’il avait regagnée, la porte est enfin ouverte le 25 novembre, révélant un couloir creusé dans la roche. La véritable ouverture de la tombe a lieu officiellement le 29 novembre. Carter et son équipe sous son le choc devant ce qu’ils trouvent sous leurs yeux! La pièce révèle d’innombrables trésors : un trône doré, de grands lits en forme d’animaux, des chars démontés, des vases, de nombreuses statues, des vêtements royaux et des armes diverses. Jusqu’à présent, les autres tombeaux du genre avaient souvent été victimes de pilleurs. Celle-ci est demeurée intacte pendant plus de 3000 ans! La nouvelle fait la une de tous les journaux du monde.

Curieusement, ce n’est pas tant la découverte de Toutânkhamon lui-même qui sème un grand intérêt. Pour les historiens, Toutânkhamon n’est pas considéré un personnage d’énorme importance. Fils d’Akhenaton, il accède à un jeune âge sur le trône (on évoque neuf ans), mais le règne du pharaon a été d’une courte durée, soit à peine dizaine d’années seulement. Il serait mort vers 18 ou 19 d’un accident fatal de char. Sa renommée est plutôt causée par l’ampleur des objets découverts, 5398 au total, dont son célèbre masque d’or retrouvé dans le dernier sarcophage protégeant la momie, presque trois ans après la redécouverte de sa tombe. Mais c’est surtout la naissance d’une rumeur évoquant un sortilège lié à Toutânkhamon, lancé par des journalistes quelques années plus tôt, qui contribue à faire les choux gras de la presse et d’alimenter la fascination du grand public envers la momie.

La légende d’une « malédiction des pharaons » débute en 1923 avec la mort inopinée de Lord Carnarvon. Les journaux parlent alors d’une inscription sur le tombeau de Toutânkhamon, qui s’est révélée inexistante, qui aurait indiqué : « La mort touchera de ses ailes ceux qui profaneront ce lieu. » La rumeur affirme que la chienne du Lord a poussé un hurlement au moment de la mort de son maître, avant elle-même d’être terrassée. Puis, qu’à cet instant, les lumières de son château en Angleterre ainsi que toutes celles du Caire se seraient éteintes! Même si les médecins concluent à une infection d’une piqûre de mouche à la suite d’un rasage combiné d’une pneumonie, la presse, en manque de sensation, voit en Carnarvon la première victime d’une malédiction.

En fait, tout aurait même commencé quelques mois plus tôt par la mort du canari de Howard Carter, avalé par un cobra qui s’était glissé dans sa cage à quelques jours de l’ouverture du tombeau. Le cobra étant « le serpent des pharaons », les ouvriers locaux y voient donc un mauvais présage. Mis au courant de cet incident, les médias font un amalgame entre les deux événements. Même que le célèbre Arthur Conan Doyle, le créateur de Sherlock Holmes et adepte du spiritisme, est l’un des premiers à propager cette « malédiction du pharaon » tandis qu’Agatha Christie s’en inspire dès 1923 pour son roman L’Aventure du tombeau égyptien. Certains avancent même des théories farfelues comme des gaz mortels dégagés par les bandelettes de la momie, l’huile d’amande douce utilisée pour embaumer la momie qui s’est transformée en cyanure, que les torches du tombeau étaient imprégnées d’arsenic ou une contamination causée par des excréments de chauve-souris. Le contexte politique de l’époque a assurément un rôle à jouer dans la propagation de cette hystérie alors qu’au printemps 1922, l’Égypte obtient son autonomie de la Grande-Bretagne, créant de vives tensions entre les deux peuples. Les ressortissants britanniques sur place font face à des menaces de violence. Le climat social est donc très tendu. Il est facile de voir dans ces supposées représailles surnaturelles une forme de vengeance d’un peuple contre ses colonisateurs.

Dans la décennie suivante, la rumeur ne se calme pas, alors que plusieurs personnalités importantes associées à la fouille décèdent. Au fil du temps, la presse y attribue même une trentaine de morts à celle-ci! Parmi les victimes, on retrouve :

George Jay Gould I, l’un des financiers, décédé d’une pneumonie à la suite d’une fièvre contractée après la visite de la tombe;

Colonel Aubrey Herbert, le demi-frère de Lord Carnarvon, mort d’une infection à la suite d’une opération dentaire;

Professeur Hugh Evelyn-White, un collaborateur de Carter qui été l’un des premiers à pénétrer dans la chambre mortuaire, s’est pendu à la suite d’une dépression;

Archibald Douglas Reed, le radiologiste employé du gouvernement égyptien, qui a reçu l’ordre de radiographier la momie de Toutânkhamon;

Georges Aaron Bénédite, égyptologue, meurt d’une congestion après une visite du tombeau;

Arthur C. Mace, archéologue anglais qui a aidé Carter à abattre le mur de la chambre mortuaire, meurt sans aucune cause apparente.

À cette liste, on peut y ajouter l’infirmière de Carnarvon et le secrétaire personnel de Carter. Même si des personnes impliquées de près dans les fouilles meurent, ils ne s’agissent pas de décès inexplicables. Par contre, parmi les victimes, on dénombre un taux élevé de pneumonies asphyxiantes, ce qui laisse penser par un docteur qu’elles seraient causées par un virus transmis par l’air de la tombe restée fermée pendant aussi longtemps. Toutefois, Howard Carter, le premier à y entrer, n’est mort qu’en 1939, à 64 ans, d’un lymphome de Hodgkin. L’archéologue n’a jamais cru à cette superstition. Et des centaines d’ouvriers meurent bien des années plus tard de causes naturelles. Rien ne vient réellement corroborer l’existence d’une telle malédiction.

L’épidémiologiste Mark Nelson, de l’université Monash, à Melbourne, s’est intéressé à celle-ci. Il a suivi le parcours d’une quarantaine de personnalités signalées par Howard Carter comme étant présentes en Égypte pendant les fouilles de février 1923 à novembre 1926. Il constate que 25 d’entre elles sont décédées à un âge moyen de 70 ans. Rien de bien affolant!

Il faut toutefois attendre en 1985 par avoir un éclaircissement nouveau et probable sur cette fameuse malédiction. La docteure Caroline Stenger-Philipp, qui travaille à la

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