La petite histoire de la grande gueule de Détroit
Marshall Mathers, alias Eminem, alias Slim Shady, alias le cauchemar de toutes les jeunes mamans de la fin du siècle, n’a pas eu une simple carrière. Il a traversé l’industrie musicale comme un diable de Tasmanie amateur de mots croisés. Ce mois-ci, SUMMUM se penche sur la vie de ce blanc-bec qui s’est débattu bec et ongles pour se faire un nom dans le « rap game » et qui a réussi à s’imposer là où personne ne l’attendait… même pas lui.
Le rap et la rue
L’histoire commence comme beaucoup de contes de fées américains… mais celui-là se passe dans une roulotte, avec une mère instable, un père disparu dans un nuage de fumée et une enfance à collectionner les échecs scolaires comme d’autres collectionnent les cartes Pokemon.
Detroit, années 80-90. Loin du rêve américain, le petit Marshall traîne dans les rues avec ses écouteurs sur les oreilles, en rêvant de devenir rappeur. Oui, rappeur. Le détail amusant? Il est blanc. Le détail moins amusant? À Detroit, à cette époque, être un rappeur blanc, c’est à peu près aussi bien vu qu’un prêtre dans un show de black métal.
Malgré les embûches et une éducation brouillonne avec une mère semi-absente, il persévère. Il écrit, il rape, il participe à des « rap battles », il se fait humilier à répétition, puis il s’améliore à une vitesse fulgurante. Marshall n’a jamais fini le lycée. À cause des absences, des problèmes familiaux, du harcèlement scolaire… Il a redoublé trois fois la 9e année, puis a abandonné. Autant dire que les profs n’avaient pas anticipé qu’il allait finir par donner des leçons de rime à toute la planète.
Parallèlement, Eminem est invité à collaborer sur les enregistrements de D12, groupe fondé par son pote Proof en 1996. DeShaun Dupree Holton, de son vrai nom, est charismatique, respecté dans les rap battles, et devient vite le grand-frère de Marshall. C’est grâce à lui qu’Eminem se fait une place dans la scène rap de Detroit. Ce groupe, complété par Bizarre, Kuniva, Swifty McVay Kon Artis et Bugz, commence à se faire connaître localement, mais la pauvreté, le party et les obstacles de la vie compliquent les choses et le projet avance lentement.
Puis, un jour de la même année, entre deux ramens et un avis d’expulsion, Eminem sort un premier album autoproduit : Infinite. Un échec commercial complet qui ne l’arrêtera pas