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Le monde nébuleux de la franc-maçonnerie

Rédacteur en chef Jean-Sébastien Doré
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Il y a de ces choses qui ont toujours été et qui demeurent nimbées de mystère. Tel est le cas de la franc-maçonnerie qui, à travers ses rites, les personnalités prestigieuses et influentes qui y ont adhéré à une certaine époque – des politiciens, des chefs d’entreprise, des membres du clergé, bref, une élite sociale qui donnait l’étrange impression de s’y réunir en marge de leurs sphères officielles pour se coaliser et gouverner -, et la manière plutôt nébuleuse – ou opaque – d’accéder à ses rangs, est un véritable mystère pour la plupart d’entre nous.

Ces réunions de francs-maçons, quelques fois mises en scène au cinéma et à la télévision, ne sont-elles que des récits de fiction? Et ces notables qui en furent de fiers membres? Des fumistes, tous autant qu’ils sont? Voyons, leurs temples ont pignon sur rue, on peut même les visiter! Le détective le plus néophyte n’a qu’à faire une recherche rapide sur Internet pour accéder aux pages officielles de différentes loges – mystification? à tout le moins, un très beau souci du détail, un menteur du dimanche ne se compliquerait pas la vie à ce point! -, ou rejoindre des dirigeants de ces dernières. Du 21 juin dernier au 1er novembre 2020, une exposition est même présentée au Musée des religions du monde de Nicolet, Lumière sur les francs-maçons, avec l’accord et l’apport de la Grande Loge du Québec (GLQ) et de son président, Marc David. Allez, assez tourné autour du pot, parlons-en de ce pot : voici un court aperçu de l’histoire du la franc-maçonnerie au Québec et au Canada.

Tout d’abord, c’est quoi la franc-maçonnerie?

Tentons d’y voir plus clair à l’aide d’une définition claire et succincte, celle du Larousse : « Société mondiale fermée, dont les membres, ou frères, qui se reconnaissent à des signes, en possèdent seuls les secrets sous serment. (Un groupe de maçons forme une loge, un groupement de loges forme une obédience.) Organisation à l’intérieur de laquelle se manifeste une solidarité agissante entre ses membres ».

Clair? Ce serait donc une société mondiale regroupant des frères exerçant le métier de maçon? La définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), portail d’origine française, va plus loin pour nous expliquer la place de la maçonnerie dans la société généralement perçue comme étant secrète. « Le terme anglais, attesté depuis le XIVe siècle, désignait des ouvriers bâtisseurs itinérants et de grande qualification qui utilisaient entre eux des signes conventionnels secrets; leurs confréries prirent au XVIIe siècle l’habitude d’accepter des personnages réputés pour leurs connaissances en architecture mais n’exerçant pas un métier du bâtiment; le prestige attaché à cette acceptation est sans doute à l’origine de la création de confréries ou ‘‘loges’’. »

L’Encyclopédie canadienne, qui fait état de 200 000 membres provenant du plus meilleur pays au monde dans ce mouvement « semi-secret », note que « la mythologie franc-maçonne fait remonter l’origine du mouvement à la construction du temple du roi Salomon ». « Selon les historiens, elle remonterait plutôt aux guildes médiévales de maçons anglais, dont les membres étaient les artisans qualifiés qui ont construit des cathédrales, des châteaux et d’autres constructions de pierre. » La Grande Loge du Québec nous apprend que l’apparition de la franc-maçonnerie au Canada date de 1752, alors que l’obédience dont elle est issue naquît en 1759, à l’initiative du général James Wolfe, suite à la Conquête.

Point de ralliement des plus grands

Le rappel à notre esprit de l’existence et de la relative importance de la franc-maçonnerie tient beaucoup à la notoriété de certains frères du passé. L’impression, en parcourant quelques listes de francs-maçons célèbres, de consulter un manuel d’histoire renforce l’idée persistante que se déroule dans la communauté une histoire parallèle à la nôtre, avec ses codes, sa hiérarchie propre et ses délibérations. Des délibérations qui deviennent projets de loi, articles de journaux, œuvres d’art. Voyons voir : de nombreux présidents américains furent francs-maçons, notamment George Washington, Andrew Jackson, Theodore Roosevelt, Franklin D. Roosevelt, Harry Truman. Treize en tout ont été reçus Maçons, alors que le doute plane autour de quelques autres présidents. Jefferson, Lincoln, Reagan, Clinton, des frères passés sous le radar médiatique afin de préserver une certaine pureté (!) à leur implication politique? C’est évoqué sur le Web! Le Web nous apprend également que la Reine serait reptilienne, alors…

En vrac, nous retrouverions également parmi les francs copains et vieux camarades maçonniques : Mozart, Montesquieu, Voltaire, Goethe, Pouchkine, Oscar Wilde, Orson Welles, Winston Churchill, Neil Armstrong, Georges Brassens. Plus près de nous, Wolfe et Montcalm furent reçus, Honoré Beaugrand aussi, en plus de nombreux premiers ministres canadiens comme l’odieux sir John A. Macdonald, sir John Abbott, sir Robert Borden, le vicomte R.B. Bennett et John Diefenbaker.

Les loges maçonniques canadiennes et québécoises ne faisaient que très peu de cas de l’influence canadienne-française sur les affaires politiques et sociales. Ainsi est née à Ottawa en 1926, « la Patente », l’Ordre de Jacques Cartier, société secrète veillant à faire la promotion des valeurs françaises et catholiques. Possédant son propre journal, l’Émerillon, et comptant possiblement parmi ses membres des personnalités telles André Laurendeau ou Jean Drapeau, l’OJC ferme boutique en 1965, au grand plaisir de l’auteur et journaliste Jean-Charles Harvey, qui en fit l’une des cibles principales de sa rage à l’époque du Jour, le comparant même au Ku Klux Klan.

Intéressant, intéressant, mais… c’est quoi?

C’est quoi, mais surtout, on y fait quoi au juste? Et cela s’adresse à qui, si d’aventure le lecteur curieux voudrait tenter sa chance. Tout d’abord, même si la tradition n’a toujours admis qu’aux hommes l’accès aux loges, certaines sont maintenant mixtes ou exclusivement féminines. L’émission Le signe secret, présentée en 2012 sur les ondes d’Historia, animée par JiCi Lauzon et dont le visionnement est recommandé par la Grande Loge du Québec, nous dresse un généreux portrait de ce qu’est la franc-maçonnerie au Québec aujourd’hui. La site web de la série mentionne que les fameux rites maçonniques incluent des rituels d’initiation, les incontournables poignées de mains secrètes et autres mots de passe, ainsi que différents degrés de connaissance et d’avancement. « Les rites les plus connus et les plus répandus sont le Rite émulation, le Rite écossais ancien et accepté, le Rite York et le Rite Français. Il y a trois degrés de base : apprenti, compagnon et maître, et ensuite les membres peuvent aspirer aux hauts grades. »

On rejoint les francs-maçons par cooptation, donc n’entre pas dans le secret des dieux qui veut; un maçon doit nous recommander et parrainer notre candidature. Puisqu’il est possible à un maçon de dévoiler son appartenance – il est toutefois interdit de trahir celle d’un autre maçon vivant -, il suffit de tendre l’oreille, un mentor potentiel se trouve peut-être à côté de vous dans la chaîne de montage au travail, ou dans le transport en commun. Toujours selon les fins limiers d’Historia, « [a]près l’obtention de chaque nouveau grade, le Franc-Maçon se voit donner de nouvelles responsabilités envers les autres et envers lui-même, ainsi que nouveaux sujets de méditation sous forme de symboles ou de mythes ». Réunis dans le temple désigné à leur loge, les maçons discutent de différents sujets, en plus de profiter des agapes, « soit un moment pour manger, boire et socialiser ».

En l’an 2019, selon la Grande Loge du Québec, cette dernière compte « 74 Loges actives dont deux sont inscrites au « Registre anglais » (English Register); 18 d’entre elles sont francophones. » Tous ceux qui veulent en savoir davantage – des choses qui ne sont pas tenues secrètes par les maçons, s’entend -, sachez que le site web de la GLQ dispense une multitude d’informations intéressantes, un historique détaillé de la présence maçonnique au Canada… et un portail privé, dont on ne connait pas le mot de passe, et qui nous rappelle que ce qu’on vient de découvrir sur les francs-maçons par le trou de la serrure ne fait toujours pas de nous des frères.

 

(Article publié dans l’édition #167 décembre/janvier 2020 – www.boutiquesummum.com)

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