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SOPHIE DUROCHER ET RICHARD MARTINEAU

Chroniqueur Nathacha Gilbert
Photographe Patrick Séguin
Maquilleuse/coiffeuse Sana Mrad
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Au-delà de la controverse!

Hyper contente, étais-je, quand j’ai su que Sophie Durocher et Richard Martineau acceptaient ma demande d’entrevue. Super belle discussion avec des chroniqueurs qu’on lit souvent pour la forme, mais qu’on connaît très peu sur le fond.

Sophie, Richard, vraiment contente de vous parler! Vous êtes officiellement ma première fois : le premier couple interviewé conjointement dans le magazine! Richard : Hein!

Sophie : Ah oui? Je suis très contente. Dans tous les SUMMUM, il n’y a jamais eu une entrevue de couple?

Jamais, jamais, jamais. R : Les p’tits couples à la télévision, moi j’haïs ça. On a hésité longtemps [avant d’accepter]. On a eu des offres depuis qu’on est ensemble, on a tout le temps dit non parce que y’a rien de plus tapant sur les nerfs que les p’tits couples qui sont « tous cute » pis qui sont ensemble. C’était donc la première fois, pour le podcast Devine qui vient souper, qu’on acceptait de faire quelque chose ensemble.

Vous êtes l’un des couples, je pense, qui sème le plus la controverse au Québec, évidemment de par vos métiers. Pensez-vous que, peu importe ce que vous dites, peu importe ce que vous faites, ça va semer la controverse? S : Je pense qu’au début, ce n’était pas comme ça. Richard et moi, chacun de notre côté, on a écrit des textes qui ont beaucoup marqué l’imaginaire des gens; maintenant, même si on écrivait un article au complet pour dire à quel point on aime ça regarder des vidéos de chats, je pense que même ça, ça créerait une controverse parce que les gens ont tellement associé nos noms à des débats pis à des questions délicates. Je vais parler pour moi là, on ne cherche pas à être rassembleurs. Je n’ai jamais été là pour être aimée. Mon chum m’aime pis mon fils m’aime pis je pense que mes parents m’aiment un peu. Je n’écris pas pour avoir des « likes ». Ça ne m’intéresse pas.

R : Oui. C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui travaillent avec moi pis qui disent : « Ah ben, finalement, j’avais beaucoup d’appréhension. J’avais peur. Je pensais que tu chialais tout le temps. Bla, bla, bla. » Non, je suis assez facile à travailler. Écrire, c’est la pointe de l’iceberg. Si les gens pensent me connaître par les textes que j’écris ou par ce que je dis à la radio ou à la télé, eh bien c’est 5 % de ce que je suis.

Croyez-vous que, parfois, les controverses qui vous concernent sont un peu amplifiées par les réseaux sociaux? R : Oui, avec les réseaux sociaux, maintenant, c’est 24/7. Je ne « google » pas mon nom, je ne mets pas mon nom sur Twitter pour savoir ce que les gens écrivent sur moi, je ne lis pas les commentaires. Je suis complètement… en fait, je suis très protégé, pis mes amis le savent aussi. Ils savent qu’il ne faut pas qu’ils me disent : « Hey, l’autre jour, j’ai lu… » Je ne veux rien savoir. Je capoterais. C’est certain qu’on veut tous être aimés dans vie, on veut tous être appréciés. […] On veut être aimés quand même, c’est plus le fun être aimé que de se faire engueuler. Fait que j’aime mieux ne pas le savoir.

S : C’est compliqué les médias sociaux parce que c’est le pire et le meilleur. On ne se le cachera pas, avec le métier qu’on fait, nos patrons observent l’impact qu’on a sur les médias sociaux, que ce soit Twitter ou Facebook.

Les clics, c’est payant. S : C’est ça, mais pas juste ça. C’est que tu sais quand même que si ton article a été « retwitté » 25 fois versus 10 000 personnes sur Facebook qui l’ont partagé, ça te permet de mesurer, d’une certaine façon et dépendamment des patrons, l’impact que tu as. Est-ce que ç’a un impact auprès des bonnes personnes ou pour les bonnes raisons? Ça, c’est à discuter, mais il reste que les médias sociaux, c’est aussi pour nous, comme journalistes, un outil de travail extraordinaire parce que ça permet de partager ce qu’on pense. Quand on fait une intervention à la radio, quand on écrit un article, ça nous permet de le partager avec le plus grand nombre. On ne peut pas à la fois dire qu’on a besoin des médias sociaux et quand les gens ne nous aiment pas, dire : « Ah, c’est dégueulasse les réseaux sociaux. » C’est un peu le prix à payer pour ça.

[…]

Avez-vous instauré des règles quand vous avez commencé à sortir ensemble? S : Quel genre de règles?

Des règles où, puisque vous étiez deux personnalités publiques connues, avec vos opinions et tout, vous avez dû vous dire : « OK, on peut pas parler de ça ensemble sinon c’est sûr et certain que dans deux mois, c’est fini. » Y a-t-il des sujets tabous entre vous? S : Richard et moi, on a toujours formé une équipe. Dès le début, on a été très soudés. Je ne fais jamais rien pour nuire à la carrière de Richard, je vais toujours l’appuyer.

R : J’ai toujours été avec des femmes fortes, des femmes d’opinion. Je n’aime pas les filles passives et tout donc… [Il regarde Sophie] Toi, quand même, tu es ma médaille d’or!

S : Ben j’espère!

R : J’aime ça les femmes de caractère.

Ben ça te challenge, j’imagine, Richard. R : Oui, ça me challenge en christie. D’ailleurs, Sophie valide toujours mes textes avant que je les envoie.

Ah oui? R : Oui, tout le temps. Bon, les phrases pis tout ça, si ça tient debout, etc. Des fois, ça arrive qu’elle lise mon texte pis qu’elle n’est vraiment pas d’accord. Je lui dis : « Regarde, tu n’es pas d’accord pis je m’en fous, c’est ça que j’envoie. »

« Je veux juste que tu corriges mon français! » R : Oui c’est ça. (Rires)

S : Des fois, ce n’est pas une question d’être d’accord, c’est plus une question de formulation. Richard va regarder mes textes et me dire : « Je comprends ce que tu veux dire, c’est peut-être dans la formulation… » Et je vais faire la même chose avec lui. Je n’ai jamais essayé de le faire changer d’avis sur quelque chose, mais parfois, je vais peut-être lui dire de faire attention parce que sa formulation dépasse peut-être sa pensée, ce genre de truc. C’est plus dans ce sens-là. Mais quand je ne suis pas d’accord avec lui, je lui dis pis ça ne m’empêche pas d’être d’accord quand même avec la façon dont il le dit. On ne va pas se censurer.

Trouvez-vous que, parfois, les gens manquent de respect envers votre travail? R : Je peux comprendre que je puisse taper sur les nerfs des gens pis c’est correct. C’est parfait. Moi aussi, il y a des commentateurs que je ne peux pas sentir, que je ne peux pas blairer. Je suis très bien avec le fait qu’il y ait des gens qui ne m’aiment pas. Dans la vie, il y a des gens qui t’aiment, des gens qui ne t’aiment pas. C’est ce que j’apprends à mes enfants. Tu viens au monde, il y a des gens qui vont te regarder et dire : « Quel beau bébé! » Pis il y a des gens qui vont faire : « Beuh, il est ben laitte. » C’est certain que ça donne le goût d’arrêter les gens dans la rue pis de leur dire : « Vous savez, je suis un bon garçon, je suis gentil. Parlez-moi. Vous allez voir que l’idée que vous avez de moi est fausse… » Mais, un moment donné, tu ne peux pas. Tu perds ton temps pis ça n’a pas de sens. Je suis super correct avec ça qu’il y a des gens qui m’aiment pas. Ce qui me fait rire, ce sont les gens qui m’arrêtent dans la rue : « Ah, toi, je ne t’aime pas Martineau, je n’aime pas ce que t’écris. » Pis là, je dis : « Ben, tu n’aimes pas ce que j’écris… C’est un peu large. Parle-moi d’un texte en particulier, dis-moi ce que tu n’as pas aimé. » Et il répond : « Je ne sais pas, je te lis pas. » Des fois, y’a des faces qui reviennent pis des faces qui ne reviennent pas pis c’est correct. Des insultes, je peux en recevoir. C’est quand ils insultent Sophie, là ça me fait chier.

S : Moi, ce qui m’énerve? Richard est moi on est mariés, on est un couple, on ne s’est jamais cachés, on le dit publiquement; on fait même une émission avec des gens qui viennent manger chez nous, mais nous avons toujours fait notre carrière chacun de notre côté. Je n’ai jamais fait du ski de bottine sur sa carrière et lui non plus sur la mienne. Alors ce que je déteste, c’est quand les gens m’écrivent au journal, par exemple, pour me dire : « Ouin, mais l’article de Martineau, l’autre jour, je n’ai pas aimé ça. » C’est parce que je ne m’appelle pas Richard Martineau ni Sophie Martineau.

R : Tu n’es pas ma secrétaire…

S : Je ne suis pas sa secrétaire, je ne suis pas sa réceptionniste. Si vous avez quelque chose à lui dire, dites-lui à lui. Pas parce que je veux me distancier de lui, me dissocier de lui, mais c’est juste moi. J’ai mon cerveau et lui le sien. On n’est pas des frères siamois. On est très amoureux et très admiratifs l’un de l’autre, mais on a notre carrière indépendamment l’un de l’autre. Je ne sais pas si tu te rappelles, mais un moment donné, je reçois un appel de Lise Payette; elle voulait donner une entrevue à propos d’un sujet X. Je ne me souviens même plus c’était quoi le sujet. Donc, elle appelle le rédacteur en chef du journal et celui-ci m’appelle : « Sophie, c’est toi qui vas faire l’entrevue avec Lise Payette. » Parce que c’est une entrevue dans le domaine des médias et je couvrais le domaine des médias. J’appelle Lise Payette au numéro qu’elle avait donné pour qu’on lui parle pis je lui dis : « Bonjour, Sophie Durocher du Journal de Montréal. » Et là, il y a comme un silence au bout de la ligne. Elle dit : « Est-ce que vous êtes la Sophie Durocher qui est mariée avec Richard Martineau? » Je dis : « Oui, mais je fais d’autre chose, je suis autre chose. » Alors, elle m’a répondu : « Dans ce cas-là, je ne vous donne pas d’entrevue parce que je n’aime pas les opinions de votre mari pis je n’aime pas les textes qu’il écrit. » Je me disais que cette femme-là, qui a été supposément une grande féministe, était en train de me rendre coupable par association.

R : Pour elle, tu étais juste madame Martineau.

S : J’étais tellement choquée… Je trouve que ça va tellement à l’encontre justement du féminisme que de dire ça… Pauline Marois, on ne passait pas notre temps à dire que c’était la femme de Claude Blanchet. C’était Pauline Marois, maudite affaire. Alors pourquoi il y a encore des gens qui sont incapables de me dissocier de Richard?

R : Un jour, on va m’appeler monsieur Durocher.

S : J’ai assez hâte!

Crédit photo : Patrick Séguin

Y a-t-il des moments où vous vous dites, ou vous vous êtes dit : « OK, mon opinion est allée trop loin »? S : Une fois. C’est arrivé une fois. J’avais écrit une chronique sur quelqu’un et, quand je relis cette chronique-là aujourd’hui, j’avais raison sur le fond. Je ne renie pas du tout ce que je pensais à l’époque; je réécrirais la même chose aujourd’hui, mais pas de la même façon.

R : C’est plus que, parfois, tu fais de l’ironie ou du sarcasme ou du deuxième degré et ce n’est pas assez évident… Les gens ne comprennent pas. J’avais écrit un texte sur les filles. Ça s’appelait Les filles, c’est nono. C’est un record de plaintes au Journal de Montréal. Dire que les filles sont niaiseuses, c’était du deuxième degré comme le faisait souvent Yvon Deschamps. Je ne veux pas me comparer à Yvon Deschamps, mais quand tu allais voir un show d’Yvon Deschamps, tu savais que c’était du deuxième degré. Quand tu vas voir un show de Guy Nantel, tu sais que c’est du deuxième degré. J’avais fait une chronique dans cet esprit-là. C’était hallucinant! Je pense que le Journal de Montréal avait capoté. Je m’étais dit que, peut-être que le sarcasme et le deuxième degré, ce n’était pas la meilleure façon. Des fois, peut-être que le texte était un peu trop raide.

S : Pas sur le fond en tant que tel, mais sur la forme.

C’est difficile de rendre du deuxième degré compréhensible à l’écrit plutôt que de vive voix… R : C’est ça, tu n’as pas d’émoticônes, tu n’as pas de « faces » qui veulent dire : « Ah! Ah! C’est du deuxième degré. »

Tu ne peux pas mettre d’émojis dans les textes. R : C’est ça. C’est complètement niaiseux. Je dis souvent aux jeunes journalistes d’éviter le deuxième degré parce que ça ne parle pas tout le temps, mettons.

S : Il y a une chose qui est importante de dire, en tous cas, c’est quand on fait ce métier d’opinion, c’est important, quand tu relis ton texte, d’être capable de l’assumer. Parce qu’il n’y a rien que je déteste le plus que des gens qui émettent une opinion et qui, dès qu’ils voient que ça soulève une petite tempête, disent : « Ah, ben non, ce n’est pas ce que je voulais dire, je m’excuse, mea culpa. » […] Tu ne peux pas faire ce métier-là de chroniqueur d’opinion si tu t’écrases chaque fois. Il faut que t’assumes ce que tu dis pis il faut que tu puisses te regarder dans le miroir et dire : « Voici ce que je pense, ça va peut-être amener une tempête de merde, mais je l’assume. »

Ceci dit, vous travaillez tous les deux au Journal de Montréal. Depuis quelque temps, il y a QUBradio aussi qui s’est ajouté à vos horaires respectifs. Vous y collaborez d’ailleurs chacun de votre côté et ensemble dans votre podcast, mais avant de parler de ce podcast, justement, vous avez travaillé en compétition avec vos émissions de radio sur deux stations différentes, en même temps, à Québec. Comment ça s’est passé? R : Oui, c’était spécial pis c’était aussi dans la même maison parce que je suis au deuxième étage dans mon bureau pis Sophie était en bas au rez-de-chaussée. À un moment donné, on était à la même heure exactement fait qu’elle faisait son show et moi je faisais le mien en haut. C’était très particulier ça; je ne peux pas dire que j’étais hyper à l’aise d’être en compétition avec ma blonde. Des fois, on s’obstinait. Je voulais avoir tel invité pis elle voulait l’avoir aussi. C’était une position vraiment « weird ».

Ça vous mettait tout le temps dans une « guerre », j’imagine. Les scoops ou les trucs comme ça, ça devait créer un peu de tension parfois? R : Il y a des choses qu’on ne pouvait pas se dire. Je préparais mon show du lendemain et je ne voulais pas qu’elle sache qui étaient mes invités et tout ça. Mais c’était quand même drôle.

S : En même temps, je dirais qu’on est une équipe. Oui, j’étais en compétition, mais quand on a appris que Richard était numéro un dans son créneau – c’est sûr que j’aurais aimé ça être numéro un, mais c’était impossible; la station était 8e sur le marché –, je n’étais pas pour dire : « Ah, ben là. Gnan, gnan, gnan. » C’est mon mari, je suis super contente! Non, mais on est une équipe pis moi, je veux que mon chum, ça marche ses affaires et mon chum veut que mes affaires marchent.

R : En même temps, on se tirait la pipe. Mais c’était une situation un peu particulière.

S : Il y a d’autres couples qui, peut-être, auraient trouvé cette situation-là plus difficile à vivre, mais on est passé à travers ça en riant.

R : Ce qui est spécial dans notre couple, c’est qu’habituellement, dans un couple, il y a une personne qui est controversée pis l’autre ne l’est pas. Fait que ce n’est pas pire. Tu rentres chez toi pis les deux ne sont pas dans la controverse. Mais là, moi, j’ai 50 % des chances d’être dans la controverse ou sinon c’est elle. Ça augmente le niveau de stress dans la vie personnelle. Des fois, je peux être stressé pour des affaires qui m’arrivent pis, des fois, je vais être stressé pour des affaires qui lui arrivent et vice-versa. On est stressés deux fois. C’est comme assez intense.

Même avec le nombre d’années en arrière la cravate, le stress est encore là? R : Ah oui, oui. Moi je suis…

S : Richard, c’est un inquiet.

Un grand anxieux? S : Oui, un grand anxieux.

R : Pas un grand anxieux, mais je ne prends rien pour acquis. Avant d’être à la radio, je suis tout le temps un peu stressé. Avant de faire mon commentaire à LCN, je tourne en rond et tout ça. Je suis très privilégié de faire le métier que je fais et je ne prends pas ça pour acquis. Demain, ça peut être fini. Demain, je peux dire de quoi, une niaiserie, ou mes boss sont tannés de ça. On en a vu des gens qui étaient ben « hot » et tu les vois dans le journal dans la chronique Que sont-ils devenus? Ça peut m’arriver demain. Alors chaque jour que je fais ce métier-là, je suis toujours super content.

(Lire l’article complet dans l’édition #162 mars/avril 2019 – www.boutiquesummum.com)

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