La saga des Tortues Ninja
En novembre 1983, dans un modeste appartement du New Hampshire, deux trentenaires fauchés, Kevin Eastman et Peter Laird, gribouillent ce qui allait devenir l’un des concepts les plus improbables et lucratifs de la pop culture. Eastman, dans un moment d’inspiration aussi absurde qu’improvisé, dessine une tortue debout équipée de nunchakus. Laird éclate de rire. Ce qui ne devait être qu’une blague entre amis se transforme en un projet sérieux : créer un comic book complet, sombre et violent, parodiant les tendances des BD de l’époque, notamment les univers de Frank Miller (Daredevil, Ronin) et la vague ninja qui envahit le cinéma.
En mai 1984, sort le premier numéro de Teenage Mutant Ninja Turtles, auto-édité en seulement 3000 exemplaires et en noir et blanc. Les deux compères s’attendent à en vendre quelques dizaines. Ils écoulent tout en quelques semaines. Le bouche-à-oreille transforme leur délire en petit phénomène underground. Le ton est brutal : les tortues tuent, le sang gicle, l’humour est noir. Rien à voir avec ce que le grand public connaîtra quelques années plus tard. Les influences sont claires : un mélange de culture ninja, de science-fiction mutante et d’ambiances urbaines crasseuses inspirées par New York. La ville est presque un personnage à part entière : sombre, humide, grouillante et parfaite pour accueillir quatre justiciers mutants en carapace.
Du comic underground à la pizza télévisée
En 1987, l’univers change radicalement. Des producteurs flairent le potentiel, mais veulent toucher un public plus large, notamment les enfants. Résultat : une série animée colorée, beaucoup plus légère, débarque à la télévision. Les combats sont adoucis, les dialogues plus humoristiques, et les pizzas deviennent le carburant officiel des héros. On introduit même un code couleur pour différencier visuellement les quatre frères : Leonardo en bleu, le chef responsable et maniaque du code d’honneur; Michelangelo en orange, le rigolo, fan de skateboard et de nunchakus; Donatello en violet, le geek inventeur, roi du bricolage technologique; Raphael en rouge, le rebelle sarcastique, toujours prêt à s’embrouiller avec Leonardo.