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Peanuts : Les 75 ans de Snoopy, Charlie Brown et compagnie!

Chroniqueur Patrick Marleau
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Créée par l’Américain Charles Schulz, alors âgé de 28 ans, la série Peanuts a fait sa première apparition le 2 octobre 1950. Publiée quotidiennement, la bande dessinée à propos d’une bande d’enfants philosophes a non seulement standardisé le strip humoristique à quatre cases, mais elle a aussi conquis rapidement un grand public. Aujourd’hui, ses personnages font partie intégrante de la culture populaire. À défaut d’avoir peut-être lu leurs aventures dessinées, la majorité du monde connaît au moins Charlie Brown ou Snoopy.

Les origines de la bande dessinée Peanuts proviennent du quotidien St. Paul Pioneer Press de la ville natale de Schulz dans l’état du Minnesota. Entre 1947 et 1950, l’artiste dessine une case hebdomadaire humoristique intitulée Li’l Folks. Celle-ci met en scène des enfants aux discours philosophiques. On peut déjà y apercevoir des chiens beagles sans nom qui ressemblent à Snoopy. Le nom Charlie Brown revient quelques fois, mais à des personnages différents. Schulz, qui gagne un salaire de 10 $ par illustration, désire évidemment faire plus d’argent. Aux États-Unis, les « cartoonists » qui gagnent bien leur vie sont publiés dans plusieurs journaux du pays. Pour y arriver, il faut passer par un syndicat qui gère les conditions salariales des artistes. La United Features Syndicate (UFS) de New York accepte de diffuser ses strips, mais Schulz doit utiliser un autre titre alors que Li’l Folks est trop ressemblant à Little Folks, une série publiée dans les années 30 dont le nom est enregistré légalement. Schulz aimerait bien que ce soit Charlie Brown, du nom de son héros perpétuellement inquiet, mais déterminé. Malheureusement, ce nom demeure trop vague, donc difficile à y mettre un « copyright ». Un employé de la UFS suggère alors Peanuts. Le terme se veut un clin d’œil à l’émission populaire pour enfants Howdy Doody. Celle-ci est enregistrée devant un public dont les enfants sont assis dans la « peanut gallery », une expression utilisée pour désigner l’endroit des théâtres de vaudeville où les gens moins fortunés y siégeaient. Les seuls « snacks » souvent abordables étaient les arachides. Schulz ne blaire pas le nom et va même l’éviter la majorité de sa vie, préférant répondre aux gens qu’il travaille sur Charlie Brown ou Snoopy. Il a même considéré changer le nom à maintes reprises, mais sa création est rendue plus grande que lui alors qu’une multitude de produits dérivés sont offerts à l’effigie de ses personnages. Sur le plan légal, ça serait donc trop compliqué.

Le strip initial de Peanuts n’apparaît que dans sept journaux. On peut y apercevoir que le célèbre zigzag sur le chandail de Charlie Brown est même absent. Il ne fera son apparition que trois mois plus tard, en décembre 1950. Quant à Snoopy, il est peut-être celui qui évolue le plus au fil du temps. Au début, il est d’abord un chiot normal à quatre pattes. Ce n’est qu’à la fin des années 50 que le beagle commence à se tenir sur deux pattes, devenant ainsi plus « humain ». Pour Schulz, c’est à partir de ce moment que le personnage prend sa véritable identité.

La richesse de Peanuts est dû en bonne partie aux personnages colorés qui habitent son univers. La première décennie de la bd voit apparaître Schroeder, le virtuose pianiste qui interprète les morceaux des grands compositeurs classiques sur un piano jouet. Puis vient Lucie, pour qui Schulz se gâte en créant une version de lui-même qui peut se permettre d’être sarcastique, voire même dire des choses parfois méchantes. Pour l’auteur, il prend un énorme plaisir à la mettre en scène dans ses dessins. Petit frère de Lucie, Linus est le confident de Charlie Brown. Il est aussi très entiché de son doudou, une caractéristique donnée par l’artiste comme clin d’œil à son jeune garçon, Monte, qui en possédait une au moment de la création du personnage. En 1959, Charlie Brown devient même le grand frère de Sally.

D’autres personnages s’ajoutent dans les années 60, dont la « tomboy » et sportive Peppermint Patty qui appelle affectueusement Charlie Brown « Chuck ». Son surnom provient de bonbons à base de menthe poivrée dont Schulz adore le nom. Créée en 1966, elle se distingue à ce moment-là comme la seule fille de la BD qui ne porte pas de robes. En 1968, le personnage le plus controversé de Peanuts fait son apparition : l’Afro-américain Franklin. Jusqu’ici, la bande était tous des enfants blancs. Après l’assassinat de Martin Luther King, une enseignante juive de Los Angeles débute une correspondance avec Schulz soulignant l’importance de la représentation. Très ouvert à l’idée, il introduit Franklin peu de temps après. Mais, son arrivée rencontre de la résistance dans certains États sudistes encore très attachée à la ségrégation. Schulz reçoit plusieurs lettres haineuses. Un éditeur d’un journal s’indigne même que Franklin soit dans la même école que Patty, qu’on devine d’un quartier différent et, surtout, plus pauvre que celui de Charlie Brown. Progressiste, Schulz n’a pas peur d’aborder des sujets chauds de l’actualité, comme les filles dans le sport organisé, l’intégration raciale, la place de la religion dans l’école et la guerre du Vietnam.

Enfin, un petit oiseau jaune est la dernière création d’importance à la bande dessinée. Au fil des cases, Schulz prend parfois plaisir à dessiner des oiseaux. Son trait se raffine et, de fil en aiguille, l’un d’eux devient un personnage à part entière baptisé Woodstock, en honneur populaire du festival rock qui s’était déroulé un an plus tôt. Fidèle compagnon de Snoopy, le bédéiste n’a curieusement jamais révélé quel type d’oiseau était Woodstock. D’après les observations des spécialistes, il serait un chardonneret jaune.

Schulz n’a pas peur d’aborder des sujets chauds de l’actualité, comme les filles dans le sport organisé, l’intégration raciale, la place de la religion dans l’école et la guerre du Vietnam

Au-delà de la qualité de l’écriture de la bd, ce sont véritablement les produits dérivés et les spéciaux animés pour la télévision qui cimentent Peanuts dans l’imaginaire collectif. En 1958, la Hungerford Plastics Corporation va commercialiser une gamme de cinq figurines en vinyle (Charlie Brown, Snoopy, Lucie, Linus et Schroeder) qui connaîtra un énorme succès. De 1960 à 1964, les personnages apparaissent dans diverses publicités pour la compagnie Ford. La plus lucrative des ententes commerciales intervient en 1960 avec Hallmark pour la confection de cartes de souhaits. Celle-ci perdure encore aujourd’hui! La consécration des personnages de Peanuts dépasse même sa simple commercialisation, qu’on estime à plus de 1200 produits dérivés différents mis en rayon annuellement. En 1970, le prestigieux programme de la NASA Apollo 10 nomme son poste de commandement Charlie Brown et son modulaire lunaire Snoopy. Depuis 1968, les deux sont également présents avec Woodstock sous forme de géants ballons gonflés à l’hélium à la célèbre parade Macy’s de l’Action de grâce américaine à New York. À partir d’une simple bande dessinée publiée dans la presse, Schulz a bâti un énorme empire financier dont ses héritiers possèdent aujourd’hui 20 % des droits. 

Malgré tout ce succès, Schulz continue de publier régulièrement les aventures de Peanuts qui dureront près de 50 ans. En décembre 1999, souffrant d’un cancer, l’artiste annonce sa retraite. Toutefois, des strips originaux apparaissent dans les journaux jusqu’au 3 janvier 2000 et les publications du dimanche se poursuivent quelques semaines de plus. Son dernier gag sera celui du dimanche 13 février 2000, le lendemain du décès de l’auteur. Au total, Schulz a dessiné 17 897 strips, probablement la plus longue séquence par un seul et même artiste. Au moment de sa mort, sa création était publiée dans 2600 journaux, avec 355 millions de lecteurs dans 75 pays. Son œuvre a été traduite dans 21 langues. Au long de sa carrière, on estime que Schulz a récolté la somme colossale de près d’un milliard en revenus uniquement liés à la commercialisation de ses personnages. Pas mal pour quelqu’un qui s’était vu refuser une illustration dans son album de finissants du secondaire!

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