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Humour québécois : histoire et évolution

Chroniqueur Marc Lajambe
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C’est bien connu : les Québécois aiment se bidonner et se tordre les boyaux et ont donc un bon sens de l’humour par surcroît. Bien qu’il ait connu de durs débuts, considéré comme quasi honteux au lendemain de la Seconde Guerre mondiale en raison de sa condamnation par l’Église et les élites, le Rire avec un grand R est devenu au Québec une industrie triomphante et demeure encore aujourd’hui au top de nos destinations divertissement. Pleins feux sur l’évolution et histoire de l’humour au Québec, ainsi que son état actuel. Sa dépendance croit avec l’usage…

Quelle évolution l’industrie de l’humour a-t-elle connu depuis 1920 jusqu’à aujourd’hui… Elle possède sa propre école, ses galas, son festival et même son musée (même s’il a hélas fermé ses portes en 2011). Le rire s’est produit également dans une panoplie de lieux : théâtres, cabarets, boîtes à chansons, salles de spectacle et grandes scènes extérieures, ainsi que par le biais d’autant de médiums (radio, télé, web, album, capsule, podcast, etc.). Et au fils du temps, d’innombrables vedettes ont vu le jour grâce à elle, de La Poune à Mariana Mazza, en passant par
Yvon Deschamps, sans oublier les Cyniques, Les Grandes Gueules et RBO, pour ne nommer que ceux-là. L’humour remplit les salles de spectacle et fait vivre de nombreux artistes. WOW! Note importante : toutefois, si jamais votre nom n’apparait pas dans notre rétrospective, ce n’est pas parce que vous n’êtes pas drôle ou que vous n’avez pas la cote, mais plutôt parce le sujet est tellement vaste et qu’on ne pouvait malheureusement pas inclure tout le monde dans le lot. Voilà! À vos marques, prêts, riez!

Commençons par le commencement…

Nous apprenions dernièrement que le Groupe Juste pour rire étendra ses activités jusque dans la capitale britannique avec la tenue d’un tout nouveau festival d’humour dans ce coin du monde en mars 2023. Mais il est important de savoir que si l’humour au Québec est devenu ce qu’il est aujourd’hui, plusieurs jalons importants ont donc été posés il y a plus d’un siècle de cela afin de préparer le terrain. Le burlesque, vous connaissez ? Avec comme pionnier le comédien
Olivier Guimond, le spectacle burlesque, un spectacle éclaté, hybride et composé d’une succession de numéros et de sketchs, mélangeant humour, chanson et danse, fait ainsi son apparition à Montréal dans les années 1920. Ce genre gagne ensuite en popularité et, dans la décennie suivante, une bonne douzaine de salles à Montréal présentent des spectacles de ce genre. 

Vers les années 1950, c’est l’époque des cabarets qui domine avec entre autres comme têtes d’affiche Gilles Latulippe, Doris Lussier (Le père Gédéon), Ti-Gus et Ti-Mousse, Guilda, Dominique Michel et Denise Filiatrault. Mais autant le burlesque que l’univers des cabarets perdront malheureusement des plumes avec l’arrivée de la télévision.

Avec tous les grands changements de mentalité qu’amène la Révolution tranquille dans les années 1960-70, tout comme la société, l’humour aussi évolue et se veut dorénavant plus engagé, voire contestataire. Ainsi, les monologues sociaux de Clémence DesRochers et d’Yvon Deschamps ébranlent l’establishment établi et, par le fait même, fustigent les préjugés persistants du nouvel être québécois. Encore aujourd’hui, Deschamps est considéré comme le pionnier du stand-up québécois et ses monologues sont encore d’actualité. Sol, quant à lui, manie le calembour pour éveiller les consciences. Les Cyniques, pour leur part, grands maîtres dans l’art de la satire sociale, tournent leur humour à la fois raffiné et cruel contre les personnalités publiques qui s’opposent au progrès social : personne n’y échappe.

« Je dirais que le secteur de l’humour s’est extrêmement développé depuis 30 ans au Québec. Il s’est professionnalisé et rejoint désormais l’ensemble de la société. Ceci a des effets pervers, dans la mesure où des humoristes prennent la place d’animateurs et de journalistes à la radio privée et publique, de même qu’à la télé privée et publique. On voit même des humoristes vedettes faire des balados à Radio-Canada, sans compter toutes les émissions de variété à Noovo, TVA et Radio-Canada où les humoristes sont constamment invités, au détriment de gens ordinaires, d’universitaires ou d’experts. Il y a comme un Club des 100 qui s’est développé au Québec où les 100 mêmes personnes, souvent des humoristes, sont invités dans la majorité des émissions et programmes, ce qui nuit grandement à la diversité des opinions au Québec. C’est le règne des humoristes québécois à la radio, à la télé, dans les balados sur sur YouTube. Pendant ce temps, l’information internationale et la culture sont des parents pauvres dans un grand nombre de médias au Québec. Il y aura une grande réflexion à faire sur la diversité des invités en ondes à la radio et à la télé ici », raconte Patrick White, professeur de journalisme à l’École des médias de l’UQAM.

Naissance de l’absurde

Avec le début des années 1980, arrive un changement d’attitude, changement de cap. Les Lundis des Ha!Ha!, inaugurés en 1983 par Claude Meunier et Serge Thériault (Ding et Dong), amènent une nouvelle variante dans l’équation : la naissance de l’absurde. C’est aussi durant cette période que voit le jour Rock et Belles Oreilles (aussi appelé RBO), groupe humoristique québécois réputé pour son humour cinglant, parfois raffiné, parfois vulgaire ou attirant la controverse. Bien qu’officiellement dissous le 3 mai 1995, le groupe se réunira tout de même par la suite à certaines occasions. Encore de nos jours, plusieurs humoristes les identifient comme une influence.

Autre incontournable de l’absurde : Les Denis Drolet, le duo le plus éclaté de l’histoire de l’humour au Québec formé par Sébastien Dubé (le Denis barbu) et Vincent Léonard (le Denis à palettes). Leur univers est unique et incomparable, aussi imprévisible qu’hilarant.

Le phénomène des Têtes à claques : engouement monstre!

Né en août 2006, le phénomène des Têtes à claques a été catapulté grâce au sketch de l’Halloween, dans laquelle deux gamins impolis réclamaient des friandises à grands coups de Moé si, moé si! Avec plus de 400 millions de visionnements, cette capsule a connu un succès monstre, et ce, bien avant l’explosion des chaînes YouTube. Bien qu’elles soient moins omniprésentes qu’à l’époque, elles sont toujours bien vivantes dans le paysage québécois.

« Je constate que le monde de l’humour a beaucoup évolué depuis deux ou trois décennies. Au départ, Les lundis des Ha ! Ha ! Et surtout le Festival Juste pour rire n’y sont pas étrangers, tout comme des émissions de télé comme Casse-Tête, Samedi de rire, etc. Il ne faut pas non plus oublier la création d’une école nationale de l’humour dans laquelle les élèves apprennent toutes les facettes du métier. Néanmoins, je remarque que c’est souvent le même genre d’humour qui a la cote, soit le stand-up sur des sujets qui rejoignent une majorité de personnes. À l’exception, par exemple, des Denis Drolet, Mike Ward, Guillaume Wagner. L’humour politique ? On le réserve à des festivals plus underground. Les femmes revendiquent de plus en plus leur place sur la scène de l’humour et il était temps qu’on les prennent au sérieux, sans jeu de mots », explique Patrice Saucier, écrivain et suiveux d’humour.

L'humour au féminin

À la fin des années 1950, Clémence Desrochers est la première femme à monter sur scène et à raconter des histoires d’une galerie de personnages attachants comme les femmes au foyer, les travailleuses dans les « factries », les voyageuses, les serveuses. Alors lorsque vient le temps d’infliger une bonne dose d’humour, les femmes n’ont absolument rien à envier à leurs homologues masculins. Par exemple, c’est en 1997 que Lise Dion lance son premier spectacle d’humour et le succès est immédiat. Ainsi, Dion attire de nombreuses foules si bien qu’elle vend plus de 300 000 billets pour ce dernier et devient la première femme à présenter un spectacle 50 fois au théâtre St-Denis. Durant toute sa carrière, Lise Dion a vendu au moins un million de billets pour l’ensemble de ses spectacles.

Quant à Mariana Mazza, elle figure parmi les artistes les plus populaires de la province. « Mon humour vient probablement de l’observation que j’ai des autres humains, de mon entourage, de ma mère. Mes inspirations sont dans le quotidien. J’aime observer les gens et m’observer aussi. Mon humour est une forme de thérapie par rapport à mes angoisses et mes bibittes », de dire l’humoriste du show Femme ta gueule

Les produits dérivés du rire…c’est bon pour le moral!

Dans le cadre de la recherche pour ce papier, j’ai consulté ma discographie et suis tombé sur certains albums des Grandes Gueules et en ai fait l’écoute pour me remettre dans l’esprit de l’époque où le duo dominait sur les ondes d’Énergie. À cet effet, les albums d’humour de ce type sont un excellent support ou produit dérivé, car ils sont transportables et peuvent même mettre de l’ambiance dans une rencontre entre amis. Combien de fois, avons-nous ainsi écouté les sketchs et les chansons de RBO sur CD dans les sous-sols de nos amis à l’époque? Bonjour la Police…

Pendant la pandémie, François Pérusse, véritable maître des calembours, de l’absurde et du non-sens, celui à la parole plus rapide du Québec, a été sollicité de toutes parts, surtout sur les réseaux sociaux pour accoucher d’un nouvel album du peuple. Ainsi sur L’album du peuple – tome XI, de nouvelles capsules, mettant en scène d’anciens personnages, comme si la nostalgie avait un effet collectif réconfortant dans la tourmente, ont finalement vu le jour pour le plus bénéfice de tous. Ainsi, ce dernier poursuit sa longue tradition de nous faire rire, une capsule à la fois…

État de l’humour au Québec de nos jours

Bonne nouvelle : l’humour chez nous se porte bien et les spectacles d’humour québécois attirent encore le plus grand nombre de spectateurs au Québec et ont atteint un nouveau sommet en 2018, avec 1,9 million de spectateurs, ce qui constitue une hausse de l’assistance de 21 % par rapport à 2017. Autre bon pouls : la tenue annuelle du Bye-Bye, la revue humoristique solennelle qui, depuis 50 ans, année après année, attire des millions de téléspectateurs!

« Je ne suis pas convaincu que j’aimerais être un nouvel humoriste en 2022. Les règles ont bien changé depuis l’ère RBO. Il y a de nombreuses zones explorées par le groupe, au cours des années 1980-1990 qu’on ne peut tout simplement plus parcourir aujourd’hui. On ne peut plus rire de n’importe qui de n’importe quelle manière. La portée de chaque mot utilisé dans un gag se doit d’être mesuré avec précaution et la nouvelle génération doit obligatoirement ajuster son tir. Les mœurs ne sont plus les mêmes. Non seulement il y a une foule de sujets qu’on ne peut plus aborder de nos jours, mais la façon de raconter un gag a également changé », de dire, Stéphane Martel, journaliste, rédacteur et créateur de contenu.

Podcast humoristique : rire à l’ère du 2.0

« Grâce aux multiples plateformes de diffusion (telles que YouTube) se faire voir et se faire entendre de nos jours (et ultimement, se bâtir un public) est devenu infiniment plus facile qu’à l’époque RBO. Si j’étais un humoriste de la relève, je procéderais de la sorte. Comme plusieurs font en 2022. On n’a qu’à penser à Sam Breton, Jerr Allain, Rosalie Vaillancourt, Simon Delisle, etc. », poursuit Martel.

En effet, les baladodiffusions humoristiques ont la cote chez nous par les temps qui courent et gagnent leur lot de clics. Voici quelques suggestions : faites-en donc l’essai! 

What’s Up Podcast

Véritable passionné d’humour, Jerr Alain reçoit chaque semaine un invité pour nous révéler les coulisses de cet univers. On y jase de gérance, de spectacles dans des petites, moyennes et grandes salles et d’anecdotes du domaine de l’humour. 

Mike Ward Sous écoute

Bien établis depuis quelques années, chaque lundi, Mike Ward reçoit deux amis et humoristes pour quelques bières et pour jaser sur scène. Enregistrée au Bordel, et ce, devant public, la fin du podcast laisse la place aux questions des personnes dans la salle. Très cool!

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