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RENAISSANCE NÜ-METAL

Chroniqueur Charles Laplante
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Ah la mode! On se trouve donc parfait quand on est en plein dedans. On est trop content de suivre le courant le plus actuel possible. Puis, un bon matin, on recroise de vieilles photos de nous et on se trouve complètement ridicule. C’était vrai pour les amateurs du courant new wave dans les années 90 et c’était aussi vrai pour les amateurs de new metal (nü-metal, pour les plus fins mélomanes de l’époque) au tournant de la décennie 2010. À cette époque, rares étaient les malaises plus grands que de revoir des photos de soi datant de 1999 avec des dreads trois couleurs, un tracksuit Adidas ou des pantalons quatre tailles trop grands. Maintenant que Woodstock 99 a plus de 20 ans, cette honte est une chose du passé et le nü-metal est bel et bien de retour. Explorons ensemble l’histoire du petit frère mal-aimé du thrash metal.

1994

Le son original du nü-metal est caractérisé par un mélange de lourdeur et de gros beat qui s’abreuve autant dans le groove metal de Pantera que dans le hip-hop de Snoop Dogg. Ajoutez à cela un chanteur capable de hurler, de chanter et de pleurnicher et vous avez une recette gagnante. Si Rage Against the Machine et le groupe de Phil Anselmo et Dimebag Darrell sont définitivement des précurseurs du genre pour les influences qu’ils ont eues sur le mouvement, il n’y aucun doute que le premier band nü-metal, c’est KoЯn. La genèse du mouvement remonterait donc au 11 octobre 1994, date de sortie du premier album de la troupe de Bakersfield, aux coiffures les plus influentes depuis les Beatles. Par contre, un peu plus loin en Californie (précisément à 447 km de là), à Sacramento, un quatuor dont les origines remontent plus loin dans le temps fait énormément de bruit. Je parle bien sûr des Deftones (alias les Radiohead du nü-metal) qui sortiront leur premier opus un an plus tard.

1996

Les groupes de nos jeunes poulains Jonathan Davis et Chino Moreno ne tardent pas à se faire remarquer et même à influencer certains vétérans. La preuve : Sepultura sort son album Roots, qui mélange des inspirations d’origine brésilienne et de très gros traits nü-metal, comme le confirme la participation de membres de KoЯn et la présence de Ross Robinson à la réalisation. Robinson est littéralement le Phil Spector du nü-metal. Les albums qu’il a réalisés sont devenus les plus grands classiques du genre et il est encore actif à ce jour. Petit bémol concernant Roots : le leader Max Cavalera se fera évincer du groupe qu’il a fondé en raison de son fort penchant pour la nouvelle école de pensée du métal. Il ne mettra toutefois pas trop de temps à se remettre sur pieds avec Soulfly, un projet qui adhèrera encore plus à la saveur du moment.

1998

Les groupes influencés par KoЯn se multiplient et les looks deviennent de plus en plus extravagants. Wes Borland de Limp Bizkit se maquille l’ensemble du corps intégralement à chacun des spectacles incendiaires du groupe, MCUD de HED(P.E.) porte des verres de contact de style Marilyn Manson et un bandana et les membres de Coal Chamber sont littéralement un catalogue de boutique rave-gothique ambulant. C’est cette année-là que KoЯn revient en force réclamer sa place de chef du mouvement avec le bien nommé Follow the Leader, un disque très texturé et racoleur qui flirte assez avec la pop pour bien asseoir le nü-metal dans la culture mainstream. Deux mois auparavant, un groupe de Glendale appelé System of a Down a sorti son tout premier album…

 

1999-2000

Ce sont les années de la domination globale du style qui célèbre son 5e anniversaire. Ross Robinson planche sur l’album d’un groupe de neuf types masqués qui complèteront le « big four » du nü-metal (KoЯn, Deftones, System of a Down et… Slipknot). Les gars de Limp Bizkit jouent sur la grosse scène de Woodstock 99 aux côtés de Metallica et de Rage Against the Machine. Bref, l’hybride rap-métal-dreads est partout et il est impossible de l’éviter. Sur les ondes des radios commerciales, les nouveaux venus Disturbed, Linkin Park et Papa Roach dominent alors que les plus petits groupes comme Spineshank, Kittie, Mudvayne, Boy Hits Car ou Orgy arrivent aussi à très bien vivre de leur musique.

2020

Après une mort rapide qui n’est pas étrangère à l’arrivée des Strokes et des White Stripes, le nü-metal reprend vie dans la musique de nouveaux groupes. Les Ho99o9 de New York n’hésitent pas à échantillonner la musique de Slipknot pour leur rap enragé, Ghostemane s’inspire directement du chant intense de Jon Davis et Poppy infuse une bonne dose de guitare musclée à sa pop déjantée. De plus, les gars de City Morgue ont grandi en trippant sur Corey Taylor et Code Orange flirte dangereusement avec les caractéristiques des productions de la belle époque tandis que les vieux de la vieille remplissent encore des arénas. Bref, tout ça n’est que le début de la renaissance.

SUGGESTIONS

Voici plusieurs albums qu’il faut absolument écouter lorsqu’il est question de la fin des années 90. Certains d’entre eux ont marqué l’histoire du courant, d’autres sont des trésors moins connus et le reste sont des albums récents qui participent au grand retour du style à leur façon.

 

Korn – Life Is Peachy (1996) 

Bien sûr, le premier album du groupe de Bakersfield est un incontournable. Toutefois, il ne faudrait pas négliger leur second opus non plus. Un disque plus brut, moins réfléchi et beaucoup plus cabotin que son prédécesseur et la dernière œuvre irréprochable d’un groupe qui a beaucoup de disques au compteur.

Sur repeat: Chi / Good God / Kill You

Deftones – Around the Fur (1997)

Le groupe de Chino Moreno a frappé très fort avec son 2e album. C’est un disque qui montre les dents plus souvent qu’autrement, mais qui sait aussi se montrer vulnérable et émotif. La plupart des gens disent que White Pony est le meilleur album de Deftones, mais nous on craque sérieusement pour celui-ci.

Sur repeat: Lhabia / Headup / MX

Slipknot – Slipknot (1999)

Si le groupe de l’Iowa fait maintenant partie de la culture mainstream, il fallait être là au début de leur carrière pour comprendre à quel point une telle bibitte était étrange au début du siècle. Slipknot, c’était un peu comme une version cauchemardesque ultra-violente de Korn. Sur ce premier album parfait, les gars sont au sommet de leur art et n’ont recours que très peu souvent à la voix chantée de Corey Taylor, qui hurle sa vie plus souvent qu’à son tour.

 

Sur repeat: Eyeless / Prosthetics / Purity

Static-X – Wisconsin Death Trip (1999)

Mélange audacieux de métal et de musique techno décapante, Wisconsin Death Trip a cimenté la crédibilité du groupe au sein de la scène. Si les albums qui ont suivi sont tous moins intéressants, on réécoutera toujours le premier effort avec grand plaisir. C’est l’élément le plus important de l’héritage du regretté Wayne Static.

 

Sur Repeat: I’m With Stupid / Love Dump / Sweat of the Bud

Mudvayne – L.D. 50 (2000)

Les gars de Mudvayne sont un peu comme les Alice in Chains du nü-metal. Voyez-vous, c’est que les gars d’Alice se sont fait imposer leurs chemise carreautés par leur maison de disques et ne sonnaient pas tout à fait comme leurs collègues grunge. Même chose ici sauf qu’on remplace les chemises par des maquillages ridicules dont les membres ont aujourd’hui honte. Reste que, musicalement, c’était plein de surprises. Un très bon disque.

Sur repeat: Dig / Death Blooms / Cradle

System of a Down – Mesmerize/Hypnotize (2005)

Comme Guns N’ Roses, c’est avec un album double dont chaque disque est vendu séparément que System of a Down a offert son dernier album pertinent au monde entier. Bon, le groupe existe encore et fait des tournées, mais il n’a pas l’intention d’enregistrer du nouveau matériel. Qu’à cela ne tienne, Daron Malakian vole souvent la vedette à Serj Tankian sur ce double opus. C’est peut-être une chicane d’ego qui les empêche d’aller de l’avant dans le fond.

Sur repeat: B.Y.O.B / Dreaming / She’s Like Heroin

Ghostemane – N/O/I/S/E (2018)

À 29 ans, Eric Whitney est déjà une rockstar en bonne et due forme. Sa musique est un mélange hétéroclite de trap metal, de hip-hop, de hardcore et de noise. C’est en raison de sa livraison vocale que l’on reconnaît le plus ses influences. La colère qui exulte de son album le plus abouti est phénoménale et c’est un digne successeur émotif de Korn.

Sur repeat: Trench Coat / Bonesaw / Ball Gag

Poppy – I Disagree (2020)

Musicalement active depuis 2013, Moriah Rose Pereira est également influenceuse et leader religieuse. Sa musique est mélange de pop à la sauce Grimes qui flirte dangereusement avec des saveurs industrielles et métal. Elle devait partir en tournée avec les Deftones avant que la pandémie ne chamboule ses plans. À découvrir.

Sur repeat: Concrete / I Disagree / Blood Money

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