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Capitaine quétaine

Chroniqueur Jonathan Roberge
Illustration Mike Pelland
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Entre deux gorgées de vin cheap, du Oka et un débat de société, nous avons discuté d’amour. Mes ami(e)s m’ont fait tomber des nues durant le souper. J’étais le seul à y croire. Ils croient en l’amour, certes, mais pas le grand… Pas celui du : « Nous construisons de quoi de grand ensemble de façon passionnée. » D’après eux, les papillons du début se font « flusher » avec une capote dans les toilettes, à un moment donné, dans les premières années, et quittent pour les égouts de l’amour 2.0 pour ne plus jamais revenir.

L’amour se fait « kicker » dans la face autour de la table. Mon ami me pointe (gentiment) avec sa fourchette en m’expliquant qu’il croit en la « complicité » à long terme, certes, mais pas en la « passion » à long terme. Sa femme et lui ont des enfants et une routine bien établie. Il ne changerait rien au monde à son histoire; pour lui, c’est ça l’amour. Il a une maîtresse, il ne l’aime pas, elle dépanne en cachette. C’est tout. Une autre de mes amies acquiesce en racontant ouvertement son adultère. Je suis sur le cul.

Je saisis aussi qu’il y a une ÉNORME différence entre un party de foufounes pis un « je t’aime » bien senti. Je ne parle pas non plus de panne de désir. Le débat n’est pas là. Je parle d’aimer passionnément. Qu’est-ce qu’il y a de mal à vouloir me marier et fonder une famille avec quelqu’un de qui je suis amoureux? Je ne parle pas de religion non plus. Rien à chier du petit Jésus pis de son livre rempli de foutaises.

À tour de rôle, autant les gars que les filles sortent leur téléphone intelligent pour me faire lire des études et autres trappes à likes d’Internet qui jasent de « couple moderne ». D’après ces grands écrits de la Toile, l’époque du couple traditionnel n’est plus au goût du jour. Je fais rire de moi en disant que je veux marier la femme que j’aime et je suis soudainement vintage, mais pas le vintage à mode comme sur Pinterest.

Ils rient. Je suis out. Out d’aimer de façon passionnée. Eh bien… Jamais je ne pensais faire rire de moi en disant que je voulais marier une femme et entretenir mon couple. Je ne suis pas naïf. Je suis conscient que « l’amour Hollywood » est funny au début et puis qu’une routine s’installe et tue à petit feu les chatouilles dans le ventre. Entrenir les chatouilles. Ça prend des efforts et il est là le coupable! L’effort.

La loi du moindre effort règne à notre époque et quand on arrive dans le concret, ça nous scie les tibias et on se pète la yeule sur le bord du trottoir. C’est en braillant qu’on se rend compte que le manuel de l’entretien conjugal ne se vend pas dans l’App Store. Beaucoup de gens ne sont pas prêts à faire les efforts nécessaires pour entretenir leur couple. C’est plus facile de « switcher » à un autre et de rire de Roberge, la grosse princesse, qui veut se marier.

C’est sûr que s’il n’y a plus d’amour, tu quittes! Pogne ton Big Wheel pis « scrame »! Il y a des problèmes sans réponse et la séparation est inévitable. Je ne vis pas dans un monde en marshmallow non plus; je sais que des fois, tout a été essayé. « Trust me », je peux t’en passer un papier! J’ai été neuf ans avec la même femme, nous avons eu un enfant et sommes aujourd’hui séparés. J’entretiens une nouvelle relation depuis trois ans avec celle que je considère comme la femme de ma vie.

Être en amour, ce n’est pas juste se « frencher » à toutes les lumières rouges comme au début. Être en amour, ce n’est pas juste : « Toi, raccroche! Non, toi raccroche. »

Être en amour, ce n’est pas juste de baiser sans arrêt.

Être en amour, c’est aussi les chicanes sur le dernier compte d’Hydro payé en retard, c’est la crise de jalousie pour des commentaires en dessous d’une photo Facebook, c’est puer de la gueule le matin et ne pas se toucher pendant des semaines à cause du stress.

Être en amour, c’est continuer de bâtir même si c’est le bordel.

Chaque individu détient sa propre définition de l’amour. C’est justement grâce à tous ces différents angles que nous avons autant d’artistes qui nous peignent divers portraits de ce qu’est l’amour. Ce feeling qui nous gruge les tripes. Ce feeling qui est réservé aux filles? Comme si nous, les gars, ne pouvions en jaser entre nous autres.

Après le souper, c’était la clope sur le balcon. J’étais rendu le « Capitaine Quétaine » qui voulait vivre une histoire de roman de matantes. Le gars romantique – dit avec une voix de mongol, bien sûr –, le kitsch, le mou, le soumis, le naïf. Wow! Jamais je ne pensais qu’autant de termes péjoratifs pouvaient être associés à un gars qui veut vivre une histoire d’amour avec sa femme.

Je me suis dit que si 80 % de mes ami(e)s pensaient ça… il doit bien y en avoir aux quatre coins de notre belle province qui sont aussi désillusionnés par l’amour.

Messieurs, je ne dis pas qu’il faut vivre dans un monde en caramel où chaque individu se crosse en chuchotant « I Love You » dans le creux de l’oreille d’un ange. Je dis juste qu’il ne faut pas abandonner dans les creux de vagues. L’amour, ce n’est pas tout le temps smart et ce n’est pas toujours fluo, mais ça reste le plus beau sentiment du monde. OK, ce n’est pas aussi nice que Montréal qui élimine Boston en 7… Mais presque!

Une fois tout le monde parti de chez nous, je ramassais la cuisine et je débarrassais les corps morts. Je vidais un restant de bière dans l’évier et je fixais le vide en me demandant si j’avais tort… Non, je n’avais pas tort. Un homme ne sert pas juste à poser des lumières de Noël pis à déblayer le driveway.

Un homme, ça prend aussi ses responsabilités pis ça entretient son couple.

(Article publié dans l’édition #126 avril 2015 – www.boutiquesummum.com)

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